Le coeur synthétique – Chloé Delaume (Seuil)

Beau coup de coeur pour ce nouveau Chloé Delaume qui décidément fait ça bien, écrire, et dire les femmes, et cerner la société qui nous entoure et ce qui s’y joue. Le coeur synthétique a tout récemment été couronné par le prix Médicis.

Elle officie cette fois dans un style qui pourrait s’apparenter à du Bridget Jones « nouvelle » génération, Sex in the City & consorts, car Chloé Delaume aime bien faire ça aussi, reprendre à sa sauce, jouer avec les codes, elle a notamment écrit un livre dont vous êtes le héros en mode Buffy contre les vampires, réédité il y a peu d’ailleurs, elle a aussi très justement paraphrasé l’entrée en matière du King Kong théorie de Virginie Despentes dans Mes bien chères soeurs, indispensable essai paru l’an dernier, entre autres expérimentations littéraires.

Ici nous sommes donc dans du roman à priori assez léger, ça pour le coup c’est assez nouveau chez Chloé Delaume, en plus incisif et politique, nous sommes chez Chloé Delaume quand même.

« C’est l’histoire d’une fleur bleue qui n’a plus de racines à force d’être dépotée. Un coeur dans un local une rose trémière coupée. Adélaïde Berthel c’est une femme comme une autre qui désormais apprend la solitude comme l’exilée apprend une langue étrangère. »

Adélaïde a 46 ans, célibataire depuis peu. Elle n’a jamais eu l’habitude, Adélaïde, d’être célibataire, de vivre seule, de se trouver face à elle-même. Et ce n’est pas simple. Alors elle se met en quête d’un nouveau Jules, d’un éventuel futur, mais ceux qui restent sur le marché ne le sont visiblement pas par hasard, ou ne la regardent pas, celle qui a dépassé l’âge d’avoir une plastique dite parfaite, encensée, la nullipare fière de l’être, qui veut une vraie histoire, l’idée saugrenue de trouver le prince charmant.

« Grégoire possède de nombreux atouts, un timbre de voix charmant, un sens de l’humour développé et un petit deux-pièces à côté de République. Il aime être surpris et est très créatif. Ça n’a rien d’excitant pour lui de dominer intellectuellement sa partenaire. Ce qui explique définitivement qu’il ne donne pas dans les femmes plus jeunes. »

Très beau portrait de femmes, des doutes, de la solitude, du temps qui passe, de la sororité. On pourrait reprocher à l’autrice de ne pas être allée assez loin, du pourquoi cette femme veut-elle absolument se recaser après autant d’essai infructueux, à moins qu’il ne s’agisse justement de la cible de l’autrice, dans laquelle elle s’inclut elle-même volontiers, de ce prisme du couple dont il est encore difficile de se défaire. C’est finement joué, à la fois mordant, revigorant et touchant. On accompagne, on rit, on s’émeut, parfait !

« L’automne dévore les crépuscules, Adélaïde enfin accepte son célibat. Elle se dit que c’est une phase et qu’elle doit l’accueillir, qu’à trop vouloir lutter son ego et son cœur finiront abîmés. Adélaïde est raisonnable, elle s’incline, elle n’a pas le choix. C’est écrit dans les chiffres, bien plus de femmes que d’hommes, elle ne peut se soustraire à la réalité. »

 

Le coeur synthétique
Chloé Delaume
Seuil
Rentrée littéraire 2020
194 pages

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