Seule en sa demeure – Cécile Coulon (L’Iconoclaste)

Dans les profondeurs du Jura, le domaine Marchère s’étend, se replie, s’attache aux corps qui l’animent. Une atmosphère lourde qui étreint avec une possession diffuse qui peut rassurer autant qu’attiser la méfiance.

Nous y entrons par le virage dans la vie d’Aimée, qui elle-même entre dans la vie de Candre Marchère, et de son domaine à la fois magnifique et terrifiant. Nous sommes dans le dix-neuvième siècle finissant, l’époux est pieux, attentionné, ferme, la femme intimidée, innocente, inquiète. Maîtresse de son choix et de sa destinée, elle n’en demeure pas moins douteuse quand à sa condition. L’ombre de la précédente épouse plane, disparue quelques temps auparavant. Les secrets ont du mal à rester derrière les portes ou enfouis dans les fourrés, et l’atmosphère se charge d’inquiétude mêlée à une curiosité avide et à un certain déni.

« En elle, deux émotions la tinrent éveillée toute la nuit : le soulagement d’avoir pour elle un lieu qu’elle occuperait seule, et la détresse de ne pas avoir envie d’être prise par cet homme, ni par aucun autre, et de devoir, bientôt, souffrir sous l’amour qu’il faudrait bien accomplir, sans désir et sans feu. »

L’écriture de Cécile Coulon est d’une poigne qui s’épanouit dans la concision, faite de poésie brute, d’un regard à la fois franc et tendre, une élégance rude qui cerne magnifiquement le tout. Si l’on retrouve bien cette patine particulière, je dois bien admettre que je me suis trouvée moins emballée par ce nouveau roman de Cécile Coulon, que j’ai trouvé un peu longuet et un peu surfait.

Un roman d’atmosphère qui a pas mal de choses pour lui mais qui manque un peu de sel à mon goût, un peu attendu, et un peu trop précieux peut-être. L’humeur générale brandit Rebecca de Du Maurier en comparaison. Ne l’ayant pas lu, la référence qui me saute aux yeux prend les traits de Barbe-Bleue, et après la sublime revisite de Lucie Baratte l’an dernier, la difficulté s’aiguise assurément.

Un roman que je vous recommande si vous aimez ces ambiances gothiques inquiétantes, les secrets floutés, souvenirs mal enfouis, ou sombres non-dits, peut-être moins pour découvrir l’autrice. Pour une première, plongez dans Trois saisons d’orage, Le roi n’a pas sommeil, ou feuilletez sa poésie, chacun figurant une intensité particulièrement marquante. Enfin c’est ce que j’en dit. Et vous ?

« Dès qu’elle aurait poussé la porte, elle accepterait d’être comme eux : une bonne bête de plus au domaine, dressée par la main experte de Candre. Comme il avait été intelligent et sensible avec elle. Comme il l’avait attirée dans sa cage de sapins et de terre, de lierre et et de grosses fleurs, avec des mots qui ne ressemblaient pas à ceux des hommes mais à ceux de Dieu. Elle était prise. »

Seule en sa demeure
Cécile Coulon
L’Iconoclaste
Rentrée littéraire 2021
333 pages

3 commentaires sur “Seule en sa demeure – Cécile Coulon (L’Iconoclaste)”

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