Les larmes du seigneur afghan – Campi, Zabu, Bourgaux (Dupuis)

Immersion dans le conflit afghan. En 2010, la reporter Pascale Bourgaux se rend une fois de plus en Afghanistan, dans un village au nord du pays où elle a tissé des relations depuis une dizaine d’années, dont une précieuse avec Mamour Hasan, un seigneur de guerre ayant combattu aux côtés du commandant Massoud. Elle constate avec sidération que malgré l’assise du bonhomme, le terrain est à deux doigts de se faire récupérer par les talibans.

« En Afghanistan, les besoins restent énormes. Le pays figure toujours parmi les plus pauvres de la planète. Des milliards de dollars d’aide humanitaire ont fini dans les poches des élites afghanes corrompues, plutôt que dans les infrastructures, les hôpitaux et les écoles. L’Afghanistan est redevenu le premier producteur d’opium et d’héroïne.
L’Europe et les Etats-Unis considèrent qu’ils ont fini leur « job ». Ils ont, certes, aidé les Afghans à chasser les Talibans en 2001, mais leur présence militaire pendant les douze années qui ont suivi se révèle un échec.
Les Talibans n’ont jamais vraiment disparu, au contraire. Pour eux, le terreau de la pauvreté et de la colère s’est révélé très fertile. Ils contrôlent désormais plusieurs provinces dans le sud du pays. » 

Cette BD est une adaptation du film documentaire du même nom sorti en 2011, qui a visiblement eu relativement peu d’écho et qui trouve ici un second souffle. Les intéressés peuvent tenter de mettre la main sur le dvd ou le visionner là.

Pascale Bourgaux ne se veut pas partisane, son objectif est de percer l’inénarrable, les points de friction, le nœud du basculement, et le format BD pour le coup se prête bien à cette subtilité. Ici, on se met à hauteur d’humain, qui résonne souvent à l’instinct, tentant de tirer au mieux son épingle du jeu. La journaliste pointe les évolutions politiques, les jeux d’influence, les coups de pression, la corruption, le positionnement des soldats de l’OTAN, le rapport aux médias, et plus largement les tensions à la fois sourdes et omniprésentes et l’inquiétude palpable face à une situation dont on ne sait comment elle va tourner.

« En Orient, il arrive que, par politesse, le traducteur refuse de traduire ou pire qu’il invente. Mieux vaut mentir que chagriner son hôte. »

Le jeu de cases assez traditionnel de Thomas Campi se laisse parfois aller à des dimensions plus généreuses pour des instants-clé qui plongent le lecteur dans le quotidien afghan avec une certaine pudeur. Un dessin qui se concentre sur l’humain, en phase avec le parti pris du scénario de ne pas politiser le propos même si l’on sent bien l’implication de la journaliste, pour le garder à hauteur d’hommes et de femmes dans toute leur ambivalence et leur complexité.

Une BD documentaire intéressante et instructive. Même si les choses ont évolué depuis sa parution, son intérêt reste certain car le fond du problème n’a pas pris une ride. Une bonne entrée en matière pour aborder les conflits au Moyen-Orient et toute la difficulté d’y remédier.

Les larmes du seigneur afghan
scénario Pascale Bourgaux
et Vincent Zabus
Dessin Thomas Campi
Editions Dupuis
Collection Aire libre
80 pages
Publié en 2014

Cette semaine, rdv est pris chez Mo.
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18 commentaires sur “Les larmes du seigneur afghan – Campi, Zabu, Bourgaux (Dupuis)”

  1. Une partie du monde et un conflit que j’ai l’impression de ne connaître que par la lunette biaisée et teintée des médias… du coup, je suis tentée de mieux comprendre. Pourquoi pas.

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