En 1950, le géographe Jean Malaurie fauchait les terres arctiques pour des relevés. Une expédition qu’il mènera seul, puis accompagné d’une poignée d’autochtones rencontrés sur place. L’année suivante, avec l’inuit Kutsikitsoq, ils seront les premiers hommes à atteindre le pôle nord magnétique (l’axe de rotation de la Terre, celui qu’indique la boussole, bien bien isolé tout là-haut en gros). Une première expédition d’une année durant laquelle il se retrouvera face à lui-même, remettant en perspective tous ses fondements. Un voyage déterminant pour la suite puisqu’il se spécialisera sur les territoires du Grand Nord, du Groenland à la Sibérie, se fondant progressivement dans les moeurs inuits.
Makyo et Bihel retracent ici ce premier récit, publié en 1955, en allant à l’essentiel, accordant une large place aux paysages, à l’atmosphère, aux tâtonnements de Malaurie, ses doutes, la rudesse, avant de s’attarder sur la perception de l’univers par les Inuits, dont les croyances et les usages, très liés à la nature, offrent un regard plus vaste.
La démarche de Malaurie est alors aux antipodes du colonialisme de rigueur, il ne veut pas dénaturer un peuple qui est déjà fragilisé, mais les aider à sauvegarder ce qui peut l’être. On note d’ailleurs la présence du pasteur luthérien en mission de conversion au christianisme, qui est déjà une marque flagrante de cette volonté occidentale « d’éduquer » le bon sauvage.
Avec le recul et les nombreux écrits qui dénoncent le virage dramatique de ces populations à cause d’une acculturation musclée et sans vergogne au profit de politiques et d’industriels décomplexés, on prend davantage la mesure de leur Histoire et de ce qu’ils ont pu traverser, et l’on sourit (jaune) devant cette sagesse écologique qui aujourd’hui fait tant rêver alors que tout à été fait pour les en extirper…
Jean Malaurie a aujourd’hui 98 ans. Géographe, ethnologue, historien, physicien, il est aujourd’hui directeur émérite au CNRS et à l’EHESS. Il a notamment fondé la collection Terre Humaine chez Plon dont le premier titre publié a été Les derniers rois de Thulé en 1955, par Malaurie lui-même, adapté ici en BD donc.
J’ai beaucoup parcouru les écrits de Malaurie quand j’étudiais l’ethnologie et c’est un vrai plaisir de le retrouver sous cette forme. Un témoignage passionnant qui résonne encore étrangement avec les questionnements actuels.
Malaurie, l’appel de Thulé
Malaurie, Makyo, Bihel
Delcourt
2019
121 pages
Cette semaine, rendez-vous est pris chez Moka
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Je passe mon tour cette fois-ci… (Et c’est une chose assez rare quand je passe par ici.)
A l’occasion…. histoire de joindre l’utile à l’agréable.
Sûrement très instructif, je garde l’idée en tête !
un sujet intéressant je note, mêm si graphiquement ça ne me parle pas vraiment
à voir si je le trouve en bibli!
Un questionnement très actuel en effet
Certainement très édifiant ! Je note
Ces histoires de colon et d’autochtones m’intéressent beaucoup. Le style de dessin n’est pas mon préféré mais je garde cette bd en tête.
Ce fut une belle découverte pour moi aussi !
Je n’aime pas trop les récits sur les grands ailleurs, mais le dessin est si beau que j’hésite à franchir le pas
Malaurie est un grand homme. Qu’un album retrace son parcours, c’est chouette!