Moi, ce que j’aime, c’est les monstres – d’Emil FERRIS (Monsieur Toussaint Louverture)

Écrire un billet sur ce roman graphique était inévitable : voici un album qui va marquer son époque.

Kare, 10 ans, adore le bizarre, le saugrenu, le décalé. Fascinée par les pulps gores, elle ne voit son univers que sous un jour fascinant et peuplé de monstres. Lorsque Anka, sa belle voisine du dessus, est retrouvée assassinée, elle va enfiler un chapeau et un imper pour se faire détective. L’occasion de découvrir de biens étranges secrets…

Emil Ferris a aujourd’hui 57 ans et cet album est sa première œuvre publiée. Je vous épargne les détails (trouvés en 4e de couv’), mais c’est le chemin classique des plus grands miracles de la littérature mondiale, dont 48 refus d’éditeurs, 48 personnes qui doivent manger leur chapeau aujourd’hui. Cette femme qui a réinventé sa vie nous propose donc une BD de 800 planches tracées au stylo-bille, toutes plus incroyables les unes que les autres.

L’univers qu’elle a construit est inquiétant, totalement envoûtant et particulier. Le Chicago des sixties n’est pas dépeint avec une esthétique blaxploitation (ç’aurait été trop facile) mais plus proche d’une Nouvelle Objectivité allemande à la Otto Dix, teintée de psychédélisme. Kare, la petite héroïne, mène son enquête dans des ruelles sombres, des sous-sols. Elle creuse le passé de la victime qui a vécu Berlin, années 30.

Emil Ferris nous gratifie de pleines pages reproduisant les couvertures des magazines d’histoires horrifiques (achetées par Kare), et reproduit des tableaux classiques somptueux (avec les références exactes!) que Kare découvre au musée de Chicago, l’Art Institute. Tout est prétexte à gommer la frontière entre notre monde et ce qui tient de l’imaginaire. Plonger dans ces 800 pages, c’est entrer dans un magico-réalisme édifiant.

Peut-être êtes-vous perdu dans mes explications ? C’est assez normal, cet album n’est en rien comparable à ce que j’ai pu lire en bandes dessinées à ce jour. Nul en pronostics sur les prix littéraires, si j’ai un favori, c’est la garantie de ne rien décrocher. Cependant, cette année au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, il ne fallait pas être grand clerc pour savoir que cet album allait décrocher le prix du meilleur album (le Fauve d’or), après avoir décroché le Ignatz (BD indé), le Lambda Literary (prix LGBT) et surtout le Prix Eisner (le Graal américain). On attend le livre deuxième avec fébrilité : peut-on être touché deux fois par la grâce ?

Moi, ce que j’aime, c’est les monstres
Emil Ferris
Ed. Monsieur Toussaint Louverture

2018
416 pages

2 commentaires sur “Moi, ce que j’aime, c’est les monstres – d’Emil FERRIS (Monsieur Toussaint Louverture)”

  1. Feuilleté rapidement en librairie, il ne m’avait pas attirée. .. Et puis j’ai lu la présentation de l’éditeur et je me suis dit qu’il fallait que je le lise !!

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