Au lieu-dit Noir-Etang… – de Thomas H. Cook

La Nouvelle-Angleterre, dans une petite ville côtière. Henry Griswald se souvient du drame survenu bien des années plus tôt, au lieu-dit qui borde le Noir-Etang.

En 1926, la vie coule tranquillement autour de l’école de garçons Chatham School. Mlle Channing arrive d’Afrique pour y dispenser des cours d’arts plastique. Elle a parcouru le tour du monde et conte ses voyages et rencontres avec une aisance et une passion qui fascine, ou agace. Les jours et les semaines passant vont voir naître des sentiments nouveaux entre la jeune femme et le professeur de lettres M. Reed. Le jeune Henry, fils du directeur de la Chatham School et proche des deux enseignants, est émerveillé devant l’ébauche de cette passion amoureuse. Leur discrétion ne suffira pas à éviter le drame. Bien loin du romantisme observé par l’adolescent, l’adultère est surtout une faute que les habitants ne sont pas prêts à pardonner.

Thomas H. Cook propose ici un roman noir profondément romantique. Un peu comme il avait pu le faire dans Les feuilles mortes, l’auteur part d’un fait plutôt divers (la disparition d’une fillette dans Les feuilles mortes, ici l’adultère) pour s’intéresser avec précision aux relations, aux actes de chacun et à leurs répercussions, avec une attention aux détails à la manière d’un peintre qui recherche la parfaite minutie.

« Forcément, quand je repense à Mlle Channing ainsi qu’elle m’apparut la première fois que je la vis, à son allure quand elle arriva à Chatham, si jeune et si pleine d’espoir, j’aimerais, en levant la main, faire ce que la somme de nos lectures et de notre expérience nous apprend qu’il est vain de tenter ; crier : « Arrête-toi, par pitié ? Arrête-toi, temps. »

Ce n’est pas que je veuille figer pour l’éternité, bien au contraire, cette jeune femme débarquant dans une coquette petite ville de la Nouvelle-Angleterre, mais je souhaiterais au moins pouvoir briser la ronde des jours assez longtemps pour dévoiler la vérité toute simple que la vie enseigne inévitablement à ceux d’entre nous qui deviennent vieux : puisque nos passions ne durent pas éternellement, notre véritable épreuve est de leur survivre. Une autre chose aussi, peut-être : lui rappeler, à elle, combien fine et oscillante est la corde raide sur laquelle on avance toute sa vie, que le moindre faux pas peut se transformer en une plongée fatale. »

Il ne se passe pas foule de choses dans ce roman, ce n’est pas un thriller haletant avec des rebondissements toutes les deux pages. Thomas H. Cook préfère poser le cadre, les situations, les personnages, les relations, et les faire évoluer. Il étudie avec précision les comportements, les moeurs d’une ville, d’une époque, il dissèque le contexte, passe au peigne fin les relations complexes, les secrets de famille, le puritanisme. Et tout cela avec une dextérité impressionnante. Malgré les descriptions et une certaine lenteur dans l’évolution de l’histoire, jamais l’on ne s’ennuie, jamais l’on regarde l’heure en soupirant. Car nous entrons en totale immersion, spectateur aux premières loges de cette passion dévorante et destructrice, où le tragique guette dans l’ombre d’un romantisme absolu.

Un beau roman édité dans une collection polar qui devrait aussi plaire aux amateurs de littérature classique du 19eme.

Prix Edgar Allan Poe 1996

Au lieu-dit Noir-Etang… / Thomas H. Cook. Seuil (Policiers). 2012
Existe en poche chez Points (Roman noir)
(Challenge Thrillers et Polars #08)

AuLieuDitNoirEtangchallenge thrillers polars

1 commentaire sur “Au lieu-dit Noir-Etang… – de Thomas H. Cook”

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