La femme-précipice, c’est un recueil de 67 poèmes, d’une femme qui flirte avec ce que l’on appelle assez communément la folie. Comme une bouée, elle griffonne, écrit, jette ses pensées, ses ressentis, ses batailles, ses colères, son impuissance parfois, sa rage. Elle évoque l’enfermement, les murs, les blouses blanches, les chemises bleues, et la vie qui reprend son cours, avec toujours à portée, un précipice prêt à l’aspirer. On la sent sur des chaussures à bascule, à cheval entre deux mondes.
Un recueil très fort, pas larmoyant, ni misérabiliste. Cette femme-là a du mordant et une volonté de fer, pour garder la tête hors de l’eau. Ces poèmes sont d’une force impressionnante, ils donnent le vertige et en même temps ils démontrent une force de caractère, ce qui est un beau pied de nez au regard des maladies mentales. Nous ne pouvons être qu’admiratif.
Morts de personne
Ce midi une femme est morte
Une femme aux yeux tranquilles,
Qui détestait les fêtes et qui aimait les flaques.
Aujourd’hui une femme est morte
Et personne n’est venu la veiller, personne n’a pleuré.
Aujourd’hui une femme petite est morte,
Aux petits yeux de chinoise,
Elle détestait les fêtes et elle aimait les billes.
Il y a des morts que l’on n’annonce pas…
Il y a des morts pleins de silence…
Personne ne dit rien…
Des gens qui existent
Et qui ne pleurent pas aux enterrements des autres.
Il y a des morts que l’on pleure
Mais il y a aussi des morts de personne.
Il y a des morts de personne.
Il y a des morts que l’on oublie la nuit même où ils s’en vont…
Ces morts qu’on ne se rappelle qu’un après-midi…
A ces morts de personne
Je veux ressembler…
Je veux être un de ces morts de personne…
Morts de rien et de silences…
Car je préfère à toute cette vie de farce
Etre morte, morte de personne.
La femme-précipice / Princesse Inca. La contre-allée, 2013
Je ne lis pas beaucoup de poésie, mais celui-ci me parle… Recueil noté !
Je lis peu de poésie aussi, mais j’ai quelques titres sous le coude qui valent franchement le détour. Bientôt sur le blog…