Raclée de verts – Caryl Férey

Un fan de l’équipe de foot de Saint-Etienne obnubilé par sa passion. Interdit de stade, il vit sa vie comme un match de foot et un rien le ramène à l’équipe des Verts.
Sans emploi, il occupe ses journées en s’occupant d’une vieille dame, en cherchant surtout à lui faire avouer où elle planque son magot. A bout de nerfs il finit par étrangler la bonne femme avec ses rideaux.  Le début d’une simili chasse au trésor, visitant les vieillotes et les trucidant dans la foulée, récoltant quelques piécettes, rentrant à temps pour le match à la télé, tout ça sous l’oeil circonspect de son chien Janvion.
Jusqu’au jour où ses sens se font la malle. Pas évident de perdre l’odorat du jour au lendemain. Mais lorsque tout s’enchaîne, lorsque l’ouïe, la vue et le toucher disparaissent successivement, il n’y a plus d’autre issue pour notre tueur en série pas super futé que de se replier chez soi, « comme un joueur expulsé dans les vestiaires ».
Il y a toujours une certaine jubilation à retrouver Caryl Férey et son écriture noire et sans concessions, le stylo qui bave et des graviers dans la bouche. (ça n’est bien sûr qu’un avis purement subjectif…)
Caryl Férey, qui commence à être connu et ça me fait bien plaisir.
Après les aventures de l’inspecteur borgne McCash dans La jambe gauche de Joe Strummer et Plutôt crever, il a rencontré un beau succès avec ses romans Haka, Utu, et surtout Zulu qui a remporté plusieurs prix. Je vous reparlerais de tout ça un autre jour, et de son dernier roman aussi, Mapuche (gros gros coup de coeur soit dit en passant…).
Raclée de verts reste en marge, un délire textuel à dévorer en temps records, que vous aimiez ou non le foot. Un grand moment de folie pure et glaçante avec ce texte clairement déjanté et cynique.
J’avance le menton afin de suggérer une réponse mais je vois bien que mon adversaire n’est pas dans le coup : ses hanches à moitié déboîtées n’ont probablement pas couru depuis l’époque Triantafilos, son duvet de moustache n’a pas la fourniture du divin ailier Stéphanois et ce n’était pas le vert bidet de sa chemise de nuit en soie qui allait nous arracher une larme de nostalgie. 
– Laissez-moi, je vous en prie ! geint-elle comme une grille rouillée. 
Je hoche la tête, dépité à l’idée de jamais partager mon émoi.  Visiblement, ça ne lui rappelle rien : ses bras mous battent l’air comme si elle essayait de s’envoler – les vieilles personnes perdent la tête à la longue… Et puis d’un pingre ! Prenons mon adversaire du soir par exemple : élégante comme une sous-préfète en tenue de devoir conjugal, le chignon embaumant la rose des prés (coquette, Madame s’était même fait une couleur violette, voyez-vous ça ! ), raffinée jusqu’au bout des ongles, élevée dans le luxe beauté et le savon des stars, avec la télévision couleur quand le reste du monde se tuait les yeux sur des écrans noir et blanc où on ne voyait même pas le ballon…
– Eh bien non ! lancé-je à Janvion, une pantoufle Pierre Cardin dans la bouche. Il faut encore que ça se plaigne : « laissez-moi ! » l’imité-je à la perfection. 
« Je vous en priiiiiie ! »
Mon chien s’appelle Janvion. 
Il ne répond pas quand on lui parle – c’est un vieux chien. Je le traîne depuis la grande épopée des Verts, quand la rage l’emportait sur les bourbiers de Kiev, Chorzow ou Tbilissi… Mais je m’égare et le temps passe : supportant de mal en pis les gémissements de l’octogénaire déjà à moitié embaumée, je me mets à tirer sur ses cheveux, de toute mes forces.
Raclée de verts – de Caryl Férey. Editions La Branche, collection « Suite noire ». 2007

5 commentaires sur “Raclée de verts – Caryl Férey”

    1. Ma phrase te fait peur ? oh la la je change tout de suite alors 😉
      J’ai beaucoup aimé Mapuche, tant pour le fond que pour la forme. Je l’ai dévoré et quand je dis que j’ai eu du mal à m’en remettre, c’est surtout que j’ai encore la tête dedans malgré d’autres lectures en cours. Il est difficile pour certains romans de passer derrière des coups de coeur, ce qui est clairement le cas de Mapuche, le coup de coeur de cette année 2012 !

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