Il y a quelques mois, je lisais Une métamorphose iranienne, de Mana Neyestani, une bande dessinée où l’auteur évoque l’effarant et pourtant véridique épisode qui l’a conduit à fuir son pays, ou comment un dessin pour enfants devient déclencheur d’émeutes.
En 2006, Mana Neyestani illustre le supplément destiné aux enfants d’un hebdomadaire iranien. L’un des dessins représente un enfant en train de discuter avec un cafard qui dans la conversation prononce un mot en azéri (de l’Azerbaïdjan iranien). C’est le langage de la communauté turque du nord de l’Iran, mais un certain nombre de termes sont employés couramment, comme le mot « namana » dudit dessin. Est-ce la goutte de trop pour un peuple trop longtemps opprimé, ou un « coup de pouce » mal placé du régime en place pour diviser le pays, toujours est-il que l’assimilation des azéris aux cafards est vite faite et met le feu aux poudres. Les émeutes se multiplient en réaction à cette prétendue cafardeuse comparaison.
Mana Neyestani et le rédacteur en chef de la publication sont arrêtés et envoyés à prison d’Evin où une section non officielle les cuisine de façon musclée pendant 2 mois. Il est clair que le gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad veut leur faire porter le chapeau. A leur libération, Mana Neyestani décide de fuir le pays avec sa femme. Ils sont toujours en exil, et vivent actuellement à Paris.
Pour narrer son histoire et sa plongée dans le système totalitaire iranien, Mana Neyestani repense à Kafka et à la cauchemardesque métamorphose de Gregor. Avec un dessin en noir et blanc qui n’est pas sans rappeler le tranchant du dessin de presse, il évoque la politique répressive, la teneur d’une situation qui bascule d’un coup de crayon et l’absurdité du dialogue de sourd qui s’engage avec ceux qui ne veulent pas entendre. Mais il s’agit surtout d’un saisissant témoignage rappelant l’importance et la fragilité de la liberté d’expression.
Les faits et le contexte sont bien évidemment différents. Mais je n’ai pu m’empêcher de repenser à cette BD après l’annonce de la fusillade dans les locaux de Charlie Hebdo mercredi dernier. Je ne suis pas très douée pour les longs discours, je voulais juste partager cette lecture pour revenir sur le fait que rien n’est jamais totalement acquis. Les procès d’intention peuvent être de toute nature. Restons concerné par notre monde et protégeons jalousement nos libertés. Beaucoup nous l’envient, il serait dommage de les laisser filer.
Une métamorphose iranienne / Maya Neyestani. Editions ça et là. 2012
J’avais adoré cette BD qui effectivement fait penser à notre liberté d’expression ! C’est sublime, vrai, dur, violent mais nécessaire.
C’est tout à fait ça. Merci de ta visite.