Watership down – de Richard Adams (Monsieur Toussaint Louverture)

Aujourd’hui, je m’adresse aux enfants. Pas seulement ceux d’aujourd’hui, non, je m’adresse également à l’enfant qu’un jour, vous étiez…

Ah, si seulement, enfant, j’avais eu la chance d’ouvrir Watership Down, ce merveilleux roman de 500 pages écrit par Richard Adams, chef d’oeuvre que les éditions Monsieur Toussaint Louverture ont eu la bonne idée de ressortir !

Chef-d’œuvre ? L’histoire semble pourtant simple : un groupe de lapins part à la recherche d’une garenne accueillante, un endroit idéal pour vivre en paix, tout cela en bravant mille dangers. S’il s’était agi d’un chaton en lieu et place de lapins, vous m’accuseriez de prodiguer des conseils cucul- la-praline, non ? Pourtant, ici, on parle d’un monument de la littérature anglo-saxonne. Voici pourquoi.

Tout d’abord, les personnages construits par l’auteur ont de l’épaisseur. Richard Adams a d’abord imaginé Fyver, Hazel, Bigwig et leurs compagnons à haute voix, au volant de sa voiture, en racontant des histoires pour ses filles, puis a attendu d’avoir la cinquantaine pour écrire leurs aventures. Tout cela a patiemment mûri, et donne une histoire forte en aventures, épique, aux péripéties nombreuses. Personnellement, j’y ai pris autant de plaisir qu’à la lecture de Bilbo le hobbit ou de L’histoire sans fin (deux livres incontournables pour notre belle jeunesse).

« Pourquoi m’écouteraient-ils ? La moitié d’entre eux pensent que je suis fou. Et c’est de ta faute, car tu sais que je ne le suis pas, et tu refuses quand même de me croire. »

Peut-être le plaisir du lecteur est-il dû au mode de vie imaginé autour de ces lapins : un langage et un vocabulaire particuliers, des rites et des croyances animistes, un système hiérarchique proche d’une monarchie. Peut-être ce plaisir du lecteur est-il lié à l’identification aux protagonistes et au fait que nous, humains, comprenons mieux qu’eux ce qu’il se passe : la « route de fer » est en réalité une voie ferrée, et nous décryptons ainsi les routes, les voitures, les humains qui fument des cigarettes et tirent au fusil. Peut-être est-ce ça qui est plaisant : suivre le fil de l’aventure et entre chaque épisode, le livre fermé, chercher une symbolique, une vive critique politique ou sociétale (dont l’auteur se défend !).

« Les lapins, dit-on, ressemblent aux humains par bien des aspects. Ils savent surmonter les catastrophes et se laissent porter par le temps, renoncer à ce qu’ils ont perdu et oublier les peurs d’hier. Il y a dans leur caractère quelque chose qui ne s’apparente pas exactement à de l’insensibilité ou de l’indifférence, mais plutôt à un heureux manque d’imagination mêlé à l’intuition qu’il faut vivre dans l’instant. »

Bonus à cette histoire, le lapin Dandelion (Pissenlit in english) a pour principal talent d’être un excellent raconteur d’histoires, talent reconnu et apprécié chez nos amis à longues oreilles. Il nous gratifiera de courtes histoires à propos de Shraavilshâ, figure légendaire et malicieuse du monde léporidé. Une petite récréation dans les ennuis multiples de nos héros.

Watership Down est une sorte de récit « survival » ou « post-apocalyptique » comme dans L’autoroute sauvage de Julia Verlanger, La route de Cormac McCarthy ou la saga Walking Dead. Avancer en groupe, s’entraider pour chercher un lieu de vie qui permettra le repos puis la création d’une société aux valeurs morales humanistes est un objectif dangereux. Cette recherche d’une terre promise sera l’occasion de trouver d’autres microsociétés, parfois séduisantes, toujours dangereuses, interrogeant nos sociétés actuelles et nos utopies.

« Pour les lapins, tout ce qui est inconnu est dangereux. Leur premier réflexe est de sursauter, le second de déguerpir. »

Tout cela semble bien lourd pour un jeune lecteur, alors… à partir de quel âge ? Pour un bon lecteur, dès 10 ans me semble-t-il. Ne vous fiez pas à la couverture sanglante de l’édition illustrée de 2018 : l’éditeur a sans doute l’intention de chercher un lectorat adulte amateur de chefs-d’œuvre de la littérature mondiale. Préférez l’édition plus propre mais non illustrée de 2016 pour un public jeune. Tournez-vous vers la version illustrée de 2018 pour vous-même, un écrin composé par un éditeur exigeant, Monsieur Toussaint Louverture.

Watership down
de Richard ADAMS

Ed. Monsieur Toussaint Louverture
502 pages
2016 (2018 pour l’édition illustrée)

4 commentaires sur “Watership down – de Richard Adams (Monsieur Toussaint Louverture)”

  1. J’avais envie de le lire depuis un moment et je l’ai enfin trouvé d’occasion tout récemment ! Je vais donc pouvoir m’y plonger prochainement. Tu as raison, Monsieur Toussaint Louverture est un éditeur exigeant et de grande qualité.

  2. J’ai tenté sans succès de convaincre nos lecteurs adultes lors d’un de nos réguliers « café des lecteurs » dans ma bib. Ils voulaient absolument que je trouve un sens caché au récit : mais ça parle de quoi ? c’est une métaphore du racisme ? du Vietnam ? Non non, c »est juste une bonne histoire… Il ne sort quasiment pas mais sur tes conseils je vais tenter de le mettre en jeunesse (je crois que la couv flippante va plaire aux plus téméraires !)

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