Avenue nationale – de Jaroslav Rudis

Vandam, un surnom à la sauce tchèque pour un fan de Jean-Claude, amateur de pompes en série, de bière au comptoir, de bastons et grand défenseur du salut romain. Ça donne un aperçu du personnage… Et pourtant, ça va plus loin que ça.

Du rude boy pur jus tendance facho qui incarne ici un anti héros dans toute sa splendeur. Vandam frise la quarantaine. Il a connu la drogue et la prison, il s’est aujourd’hui un peu rangé, avec un job de peintre en bâtiment, il vit dans une cité grise de Prague et se ressource en buvant des coups à la taverne, où il peut refaire le monde avec ses potes, et s’imaginer un autre futur avec Lucky, la serveuse. En attendant, on le sent rempli d’amertume avec un esprit revanchard couplé d’un sentiment d’injustice, et il propulse dans ses idées politiques toutes ses frustrations.

Ils te mettent dans le crâne qu’il faut que tu sois heureux.
Ils te mettent dans le crâne qu’il faut que t’apprécies ça.
Ils te mettent dans le crâne qu’il faut que tu leur donnes ta voix aux élections.
Ils te mettent dans le crâne qu’ils sont pleins de bonnes intentions envers toi.
Ils te mettent dans le crâne que t’as tes droits.
Ils te mettent dans le crâne qu’il faut que tu contractes un prêt, une hypothèque et un crédit.
Ils te mettent dans le crâne qu’il faut que t’achètes et que tu te laisses acheter.
Ils te mettent dans le crâne qu’il faut que tu sois heureux et rigolard et insouciant et attentionné et gentil.
Ils te mettent dans le crâne que tu peux bien râler contre les politiciens, mais que c’est la seule chose que tu peux faire.
Ils te mettent dans le crâne que tout le monde peut se tromper un jour.

Le personnage n’est pas spécialement charismatique, il est même franchement agaçant. Nous assistons dans ce roman à des monologues intérieurs assez obsessionnels, qu’il n’est pas toujours évident de suivre, où l’on peine à se familiariser, à s’identifier. L’auteur joue de ce manque de dialogue. Il nous coupe la chique, et une fois refermé le bouquin, on est à la fois déstabilisé et sidéré. C’est un grand plongeon en République tchèque, avec un fond d’histoire et de culture locale qui pose l’ambiance. Nous sommes à la fois dans l’instant et dans le souvenir, avec ce texte à sens unique qui véhicule une sorte d’urgence absolue, tout en se recroquevillant dans un passé idéalisé.

C’est un roman très sec, entêtant, violent, rude, beaucoup moins fluide que son précédent, La fin des punks à Helsinki. En revanche nous restons dans un thème similaire, à savoir la marge. Ici il change de bord, ce gars-là est imbuvable et un peu au ras des pâquerettes. Avec le recul on prend la teneur du bouquin, l’auteur nous parle de son pays, du climat social et politique actuel. Alors c’est très actuel, même si ce type d’extrémiste n’est pas nouveau. On le découvre peut-être dans les médias et il se répand sans doute davantage, mais il est toujours intéressant d’en parler. Pour autant, le credo « il y a un homme sensible derrière ce facho » (je raccourcis mais l’idée est là) me laisse perplexe. J’imagine bien les motivations de l’auteur mais je m’interroge.

Et vous, l’avez-vous lu ? Qu’en avez-vous pensé ? J’aimerais bien en débattre.
Vous pouvez lire le début là.
Toujours est-il que Jaroslav Rudis est un écrivain à découvrir et à suivre.

Avenue nationale / Jaroslav Rudis. Editions Mirobole, Rentrée littéraire 2016

Lu dans le cadre de Masse critique, en partenariat avec Babelio et Mirobole.

4 commentaires sur “Avenue nationale – de Jaroslav Rudis”

  1. A lire la série des « ils te mettent dans le crâne », je constate qu’il en va en République tchèque comme chez nous : on nous prend pour des c* et on nous bourre le mou…
    Passer autant de pages avec un type comme lui ne doit pas être de tout repos et ça me plait. Par contre, aucune des trois bibliothèques où je suis inscrite n’a fait l’acquisition de ce roman (ce qui ne m’étonne guère) : je devrais fréquenter la tienne, Alice 😉

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