Carnation – Xavier Mussat (Casterman)

Il y a un parfois un moment où il faut quitter les lieux. Partir pour recommencer, ailleurs. Et c’est précisément ce moment que traverse l’auteur. Quitter Angoulême, les souvenirs des années d’études, les potes, le réseau, et surtout les relations toxiques qui empêchent d’avancer.

Au début de l’album, on ne sait pas trop à quoi s’attendre. La couverture est tout autant magnifique qu’énigmatique. Dans les premières pages, on se demande si l’on ne va pas avoir à faire à une énième autobiographie d’auteur de BD à la dérive. Et puis, le graphisme prend place, des formes géométriques, des rayures profondes, les pages se déstructurent et la pensée de l’auteur se libère.

L’objet est graphiquement fabuleux. On se pose un moment devant ce format épais. Et on y entre pour y rester.

C’est une introspection qui remue, qui parle de la vie et de nos choix, du couple, de la difficulté d’être deux, de la relation qui pollue parfois car elle vous fait basculer dans l’errance et l’immobilisme. C’est aussi l’histoire des relations qui s’imbriquent, de ce qu’elles sont et deviennent en fonction du moment où elles apparaissent. C’est ambiguë, rempli de doutes et de métaphores. 

Ce n’est pas une autobiographie qui dénonce mais qui pose les choses, pense les relations, cette relation, qui panse aussi, on imagine, pour celui qui doit se défaire de cette histoire difficile à démêler. C’est très intime, peut-être trop, on se demande même ce qu’on fait là, dans cette histoire, si on y a bien sa place. Les travers de l’autofiction. Sauf qu’ici l’écrin est subjuguant, et qu’on s’en prend plein la tronche.

Xavier Mussat est arrivé à Angoulême en 1989 pour rejoindre la clique des étudiants en arts plastiques. Resté pour tenter d’y faire son trou, il a participé à la fondation d’un collectif BD, Ego comme X, et essuyé déceptions et désillusions face à des jobs trop peu satisfaisants dans l’animation. Il a cependant eu l’occasion de travailler avec Michel Ocelot sur un épisode de Kirikou, étape salvatrice et prépondérante pour la suite, l’incitant à désormais faire ce qui lui plaît. Il publiera ainsi une première BD autobiographique, Sainte famille, en 2002, puis Carnation, qui aura mis une dizaine d’années à voir le jour, et on comprend pourquoi.

Carnation
De Xavier Mussat
Editions Casterman
Collection Ecritures
2014, réédition 2017
270 p.

C’est chez Mo cette semaine.
Découvrez-y d’autres bulles. 

34 commentaires sur “Carnation – Xavier Mussat (Casterman)”

  1. Sacré témoignage ! Ça m’avait un peu remué, cette fille m’avait questionné. J’avais fait une ou deux pauses pendant la lecture histoire de reprendre un peu mes esprits

  2. Je suis vraiment partagée entre « ça pourrait vraiment me plaire » et « ça ne me tente pas du tout », c’est curieux! si je le croise, je le feuilletterai pour me faire une idée plus claire!

  3. La couverture est magnifique et rien que pour elle je voudrais avoir l objet entre mes mains. Quant au contenu, je suis sûre d’être intéressée. Et puis, j’adore Kirikou 🙂

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