A travers quatre textes courts, Ambai met en lumière la difficile émancipation des femmes en Inde.
Elle dresse le portrait de femmes fortes qui portent en elles l’insoumission, revendiquent le droit à l’éducation et au travail. Des femmes à différents âges de la vie qui sollicitent la liberté d’être, de choisir et de ne pas uniquement servir, qui tentent de se dégager de l’image de la « pativrata » (épouse modèle, entièrement dévouée à son mari qu’elle considère comme son seigneur.)
Nous découvrons ainsi Chentamarai, une jeune femme qui découvre comment sa mère a dû se battre pour s’affranchir de son mari le grand poète Muttukumaran. Châya, engluée dans sa vie de femme au foyer avec un mari bedonnant qui ne manque pas une occasion de lister ses reproches, qui se prend à rêver de liberté et d’indépendance et imagine des lois qui pourraient la sauver (Prohiber les grosses bedaines, les poitrines grasses et flasques sur les corps masculins). Cempakam, remarquablement douée pour le chant mais qui reste en retrait pour son mari pourtant moins talentueux. Et puis Chentiru qui choisit d’écouter son profond besoin d’isolement en s’installant dans la forêt, en ne se consacrant qu’aux mots et à la poésie.
Dans ces histoires, les femmes ne sont pas spécialement brimées mais aux prises d’une société basée sur des rites encore très traditionnels dont les hommes se contentent bien volontiers. Ambai est fine et subtile et son écriture riche en nuances. Ainsi tous les hommes ne sont pas rustres et les femmes n’ont pas toutes dotées d’un tempérament de feu. Ambai décrit avec beaucoup de justesse le combat des femmes, souligne les contradictions, le renoncement.
« Comme un élastique étiré jusqu’à la limite de sa résistance, son endurance se brisa net et elle se sentit plus légère. »
Elle révèle parallèlement la richesse de la culture tamoule, notamment la musique carnatique (musique traditionnelle de l’Inde du Sud), l’importance de la poésie, évoque le Râmâyana (épopée mythologique). De nombreux termes caractéristiques sont employés, demandant parfois un effort de concentration et des allers-retours dans le glossaire fourni.
Comme nous en avons l’habitude avec les éditions Zulma, nous avons là un petit morceau de monde à portée de main, un texte fort sur l’humain qui sort des sentiers battus.
Un grand merci à Babelio et aux éditions Zulma pour cette belle découverte.
« Ignorante du contexte familial de son mari, elle ne savait pas quelle était sa conception de l’épouse modèle. Il lui avait dit un jour que sa mère s’appelait Dhanalakshmi et qu’il avait été profondément ému par son nom, Tirumakal. Mais au fond de son coeur, n’existait-il pas une femme idéale pour lui jouer du yâzh dans ses moments de tristesse ? Une femme qui aurait pris sa douche à l’aube, se serait vêtue de soie, aurait tressé ses cheveux encore humides puis, le front rutilant de Kumkum, l’aurait réveillé avec une tasse de café fumant et regardé avec ravissement déguster des iddli d’un blanc de jasmin disposés sur une feuille de bananier ? Quoi qu’il en soit, il semblait considérer qu’il n’était pas traité ainsi qu’un mari doit l’être. »
De haute lutte / Ambai. Zulma. 2015