Debout-payé – de Gauz

De son expérience de vigile, Gauz a retenu de nombreuses anecdotes, qu’il nous livre ici à travers le personnage d’Ossiri, étudiant ivoirien arrivé à Paris dans les années 90, avec des mots d’humour et d’humeur qui s’intercalent dans le roman. Plus qu’un bouquin écrit par un ex-vigile, il s’agit surtout d’une réflexion plus globale sur l’évolution de la situation d’immigré en France depuis les années 60.

De son expérience dans de grandes enseignes de la distribution (Sephora et Camaïeu), Gauz a retenu de nombreuses anecdotes, réfléchi aux travers et contradictions, et il dresse ici avec humour et dérision un genre de panorama de la clientèle et de ses pratiques. Des portraits de clients croqués sur le vif sous l’œil du vigile, celui qui se tient debout toute la journée à dissuader du vol, celui dont on fait finalement peu cas mais qui déambule et observe les comportements, comme à travers le trou d’une serrure, et commente, à la manière de la voix off qui décrit l’envers du décor.

« Rester debout toute la journée dans un magasin, répéter cet ennuyeux exploit de l’ennui, tous les jours, jusqu’à être payé à la fin du mois. Debout-payé. »

Et puis en fil rouge, l’histoire d’Ossiri et de Kassoum se dessine. Tous les deux sont venus d’Abidjan, chacun de leur côté mais dans un même but, trouver un emploi, faire sa vie. Nous apprenons leur parcours, leur histoire, comment certains deviennent vigiles de père en fils, leurs conditions de vie quand ils débarquent à Paris, la tête pleine de projets qui en prennent un coup quand ils découvrent la réalité, la MECI (Maison des étudiants de Côte d’Ivoire), les communautés africaines à Paris. Et puis l’évolution du regard, des comportements, du statut d’immigré. Comment il pouvait être relativement simple de trouver un emploi par l’intermédiaire d’un oncle, d’un cousin ou d’un ami de, et les difficultés qui se sont décuplées après les attentats du 11 septembre 2001, la carte de séjour devenue sans papiers.

« Ossiri aimait beaucoup l’expression administrative : « Reconduite à la frontière ». Cela lui inspirait un voyage bucolique à travers prés et champs, accompagné par une cour joyeuse et bruyante, jusqu’à une frontière imaginaire pleine de mystères enchanteurs. Là-bas, tous les accompagnateurs chanteraient en chœur et en canon « ce n’est qu’un au-revoir ». L’accompagné-plutôt le « reconduit »- continuerait seul son chemin en écrasant une larme d’émotion. »

Debout-payé fait partie des surprises de la rentrée littéraire de septembre. Un petit nouveau édité par un éditeur indépendant sur toutes les chaînes de radio, émissions de tv, littéraires ou pas, ça fait plaisir. Espérons pour Le Nouvel Attila que l’intérêt pour la maison d’édition perdure. En ce qui concerne ce livre-ci, je retiendrai le regard vif et acéré de Gauz dans un texte intéressant à mi-chemin entre le roman et le documentaire. Je n’ai pas spécialement retrouvé le phénomène littéraire vanté mais l’ensemble est plutôt réussi et ça se lit très bien. Laissez-vous donc tenter.

[Gauz est également photographe, scénariste (Après l’océan – sur l’immigration des jeunes ivoiriens) et rédacteur en chef d’un journal économique satirique ivoirien (News & co).]

Debout-payé / Gauz. Le Nouvel Attila. 2014

Le Nouvel Attila est une résurgence des éditions Attila, scindées en deux en 2013 et recomposées entre Le Nouvel Attila et Le Tripode.

 deboutpaye

1 commentaire sur “Debout-payé – de Gauz”

  1. J’étais tentée par ce livre. En ce moment je suis en train de lire En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté publié par ATD Quart Monde (dispo sur alterlibris.fr où je travaille ;)) et forcément, on parle d’immigration. Du coup, je me rends compte qu’on a une idée fausse des immigrés, de leur nombre, de leurs origines, de leur situation sociale. Et puis les questions d’immigration et de racisme raisonnent autrement avec les attentats du mois de janvier ; il y a vraiment besoin de casser les clichés et d’introduire plus de confiance dans nos rapports aux autres !!

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