Gros coup de cœur pour ce roman absolument fascinant.
Mina et Jonathan ont quitté Paris il y a quelques années pour s’installer dans le Berry avec plein de projets en tête. Faire ses adieux à la fourmilière pour se mettre au vert, profiter de la naissance de leur fils pour changer de mode de vie, retaper une ancienne maison d’éclusier, changer de rythme, prendre le temps, profiter du calme de la campagne profonde, se détourner d’une société de consommation à outrance pour adopter un mode de vie plus simple …
« La journée s’enroula sur elle-même jusqu’au dîner à l’ombre du parasol sous un soleil encore écrasant. »
Quand Vladimir se présente comme leur nouveau voisin, ils se réjouissent de ce visage qui se profile dans leur quotidien, car le coin est certes charmant mais tout de même un poil désert. Qui plus est, Vladimir est plaisant et fait preuve d’une générosité sans borne à leur égard.
Pourtant Jonathan s’étonne de certains comportements. Le très classe Vladimir troque rapidement sa superbe voiture pour un modèle beaucoup plus modeste…identique à celui du couple, et sa maison devient bientôt la réplique exacte de la leur. Mais ni Mina ni leur fils de 10 ans ne tiennent compte de ces étranges similitudes.
« Dans la cave, Mina avait repris son travail. Trier, laver, équeuter, tremper, sucrer, chauffer, égoutter, emporter, stériliser, ranger, conserver. Malgré la fraîcheur qui régnait au sous-sol, elle était en sueur. Les parfums s’encastraient dans les murs, imprégnant sa peau et ses cheveux. Parmi ses pensées éparses, des images du nouveau Martin. Elle avait noté l’absence d’alliance et la bague originale à l’annulaire droit, la tranquillité d’esprit, le raffinement, une certaine prestance. Et ce pantalon repassé, cette chemise mauve, ces sandales aux larges bandes de cuir pleine fleur : une distinction de gentleman qu’on rencontrait peu par ici. Il n’était ni agriculteur ni enseignant, encore moins ouvrier ou commerçant. Alors quoi ? Médecin ? Ingénieur ? Créateur de bijoux ? Collectionneur de … quoi ? Tableaux ? Antiquités ? Ou rentier, peut-être ? Mais pourquoi acheter une maison pareille ? Mina tentait d’établir un lien logique entre une baraque d’éclusier à peine habitable et un homme aussi soigné. »
La tension monte progressivement, l’atmosphère se fait dense et climat devient franchement inquiétant. On entre rapidement dans une spirale infernale et addictive, retournant les situations dans tous les sens, avide de connaître l’issue, que l’auteur a le mérite de garder bien cachée jusqu’au bout.
Olivier Bordaçarre a le talent de savoir utiliser les mots. Certaines tournures et expressions sont de véritables trouvailles. Il a par ailleurs le don pour décrire des situations et des sentiments avec une justesse qui fait froid dans le dos. Il interroge les notions de besoin et de désirs, pose beaucoup de questions de société tout au long de son roman, aborde les choix, les sentiments inavoués qui remontent à la surface.
« Il était détendu mais quelque chose l’intriguait chez Vladimir Martin. Il lui semblait que son voisin était…sec. Il l’avait senti tout à l’heure en lui serrant la main. C’est ça, sa main était sèche. Et son visage ne brillait d’aucune sueur, comme recouvert d’une peinture acrylique mate. Il ne se passait pas la langue sur les lèvres. Et il n’avait pas entamé son verre… Pourtant, il parlait, de tout, de rien, de la terrasse sous cet arbre, il y ferait bientôt poser des dalles, du terrain en friche tout autour, des indispensables travaux, du potager peut-être, s’il en avait le courage. Mais Vladimir Martin ne buvait pas et ne transpirait pas. »
A l’évidence, l’auteur s’amuse également avec le mythe du vampire, affublant cet énigmatique voisin du même nom qu’un certain Vlad Tepes, qui inspira Bram Stoker pour son personnage Dracula. Pour autant, le fantastique n’est pas du tout le propos dans ce roman, davantage construit comme un thriller psychologique à la manipulation certaine, un drame perturbant absolument remarquable.
Dernier Désir / Olivier Bordaçarre. Fayard, 2014
A paraître en poche chez Livre de poche en octobre 2015
A découvrir également du même auteur Protégeons les hérissons
Je suis ravie de voir que tu as lu ce livre et que tu sembles l’avoir apprécié ! J’ai beaucoup aimé ce texte, il m’a fait pensé à Harry, un ami qui vous veut du bien… Ya ce petit côté sadique… Pas encore lu les autres livres d’Olivier Bordaçarre mais 2016 devrait me permettre de découvrir ses autres titres !
Il y a carrément de ce film oui, je n’y avais pas pensé, mais c’est exactement le même ressenti. ça me donne envie de revoir le film d’ailleurs.