Elsa Triolet / Louis Aragon

Février et ses coeurs cramoisis oblige, les couples littéraires étaient à l’honneur ce mois-ci pour le retour aux classiques impulsé avec panache par Moka et Fanny.

Elsa Kagan naît en 1896 à Moscou, Louis Aragon un an plus tard à Paris. Ils se rencontrent en 1928 dans le Paris intello, militent, résistent, s’aiment, s’inspirent. Pour en savoir plus sur leur histoire c’est par ici.

Elsa Triolet a été traductrice, journaliste, romancière, nouvelliste… c’est aussi la première femme à obtenir le prix Goncourt en 1944 pour son recueil Le premier accroc coûte deux cents francs.

Le destin personnel et La belle épicière sont parues deux ans avant, dans le recueil Mille regrets, paru en 1942. Elsa Triolet brosse deux portraits de femmes pendant l’Occupation. Dans la première, Charlotte rejoint des amis à la campagne, en zone libre, dans le sud de la France. Une fenêtre de liberté qui se cogne aux contingences matérielles et aux mensonges. Dans la seconde, nous suivons une épicière qui doit faire tourner son commerce en même temps qu’elle garde son fils pendant que son mari brille par son absence.

Elsa Triolet dépeint avant tout une atmosphère, une époque, un pan de l’Histoire tel qu’il s’inscrit dans le quotidien des gens, de ces femmes, le tragique aux aguets. L’écriture en revanche ne m’a pas plus conquise que ça, un peu sèche, très descriptive, j’aime quand ça va droit au but mais ça manque un peu de corps à mon goût.

« C’est le lendemain de ce jour à organdi que Jean-Claude est arrivé plus tôt que d’habitude, un télégramme à la main : tante Julie a fait une chute et s’est cassé une jambe. Il fallait immédiatement reprendre Janine et s’occuper de Tante Julie qui n’avait personne pour la soigner. Il y avait un train de nuit qu’il serait encore possible d’attraper. »

Pour autant, ses personnages ne manquent pas de tempérament, avec une spontanéité qui apporte de la légèreté, et dans l’écriture, et dans le contexte.

« Le soir, le garçon de bureau est venu apporter le courrier. Une lettre de mon mari : il travaille en usine. Pauvre vieux ! Ça lui fait les pieds. Jean-Claude rentre demain soir. »

Le destin personnel
suivi de La Belle épicière
Elsa Triolet
1942
114 pages

En regard, Louis Aragon et ce célèbre recueil, Les Yeux d’Elsa, qui introduit un long cycle consacré à sa muse Elsa Triolet. Ecrits entre 1941 et 1942, les poèmes disent l’amour du poète à sa muse et le pays déchiré. 21 poèmes publiés initialement dans des revues, qu’Aragon brandit comme des messages politiques, avec des formes détournées et figures de style à la pelle pour une poésie qu’il appelait lui-même de contrebande. J’avoue avoir un peu décroché, aimé certains passages, baillé sur d’autres… mes connaissances littéraires ne dépassant pas ce stade de commentaire de comptoir, je vous laisse apprécier ses premières strophes, et vous invite à lire le retour bien plus éclairant de Vanessa.

Les Yeux d’Elsa

Tes yeux sont si profonds qu’en me penchant pour boire
J’ai vu tous les soleils y venir se mirer
S’y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j’y perds la mémoire

A l’ombre des oiseaux c’est l’océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L’été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n’est jamais bleu comme il l’est sur les blés

(…)

La Nuit de Dunkerque

La France sous nos pieds comme une étoffe usée
S’est petit à petit à nos pas refusée

Dans la mer où les morts se mêlent aux varechs
Les bateaux renversés font des bonnets d’évêque

Bivouac à cent mille au bord du ciel et l’eau
Prolonge dans le ciel la plage de Malo

Il monte dans le soir où des chevaux pourrissent
Comme un piétinement de bête migratrices

(…)

Les Yeux d’Elsa
Louis Aragon
Editions Seghers
160 pages

Retrouvez les autres titres ici ou .
Prochain rdv fin mars autour de Virginia Woolf…
Si vous souhaitez en savoir plus, voire même rejoindre (régulièrement ou ponctuellement) l’équipée, c’est par là !

2 commentaires sur “Elsa Triolet / Louis Aragon”

  1. Étant donné que je lis peu de poésie, je crains que mon avis soit similaire au tien si je me lance un jour dans Aragon. Je vais attendre encore un peu avant de m’en sentir le courage. En tout cas, félicitations pour cette double lecture même si elles ne t’ont malheureusement pas enthousiasmée plus que ça.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.