La nuit des trente – de Eric Metzger

Aujourd’hui, Félix a trente ans. Une journée à mi-chemin entre le non-événement et le cap douloureux à franchir. Félix a décidé de ne rien dire à personne, de la jouer en solo, comme si le virage serait plus facile à négocier ainsi. Il décide malgré tout de suivre ses collègues partis boire un verre après le travail, ce qui sera le début d’une longue nuit de beuverie, de questionnements et de chasse aux fantômes.

« Les années ont défilé. Alors, trente ans? Trente ans déjà? Que s’est-il passé durant tout ce temps? Il se souvient de l’enfance, de l’école, du collège, puis du lycée. Ensuite tout est allé trop vite. Il s’agit non pas d’une succession d’images, mais plutôt d’une superposition, mécanique, du quotidien. Le fameux métro, boulot, dodo prend tout son sens. Quelle différence entre la semaine dernière et celle-ci? Entre cette année et la précédente? La table qu’il occupe dans l’open-space. C’est tout. Le reste s’articule autour d’une répétition. Arriver au travail le matin, toujours à la même heure, le quitter le soir, là encore, à la même heure. Trajet en scooter multirépété, prendre la rue Vivienne, remonté Trinité, Saint-Lazare, rue de Londres et se garer près du bureau. Puis, à la fin de la journée, sens inverse. Même pas le temps d’un tour de cadran complet, qu’il doit déjà reproduire à rebours le trajet bouclé. »

Nous déambulons dans Paris avec Félix, d’un troquet à l’autre, au gré des rencontres d’un instant ou d’une soirée, cerné par des vapeurs éthyliques qui font remonter les souvenirs et l’amertume, et rendent tout plus léger ou plus grave, selon l’humeur. Il s’agit là d’une heure du bilan assez précoce puisqu’à trente ans tout de même, la route est encore longue, et néanmoins assez révélatrice des dilemmes de notre époque, à cheval entre de nouveaux modèles de vie plus étalés dans le temps, et des schémas traditionnels qui perdurent.

Je me suis lancée dans ce roman sans trop savoir de quoi il s’agissait, davantage poussée par la curiosité devant le premier roman d’Eric Metzger que l’on connaît pour son humour décalé dans Le Petit Journal sur Canal+. Ce premier roman ne restera sans doute pas dans les annales, mais il y a fort à parier qu’Eric Metzger saura nous surprendre par la suite car il y a une écriture, du style, des tournures plaisantes, et un sens de l’histoire, du scénario. Le final est franchement étonnant et déroutant, remettant en cause l’objet du roman et les préoccupations du narrateur. Finalement, ce texte aurait pu être une grosse nouvelle, ça aurait évité quelques petites longueurs à ce roman pourtant déjà court (107 p…).

A lire en guise d’entracte.

« A peine sorti, décapsulage de la canette. Le bruit de la mousse. Ce parfum. Une madeleine de Proust sans élégance. »

La nuit des trente / Eric Metzger. Gallimard (L’Arpenteur), 2015

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