La Voie de la Colère, tome 1. Le Livre et l’Épée

Le général Dun-Cadal fut le plus grand héros de l’Empire, mais il n’est plus aujourd’hui que l’ombre de lui-même, une lamentable épave au fin fond d’une taverne.
C’est là qu’une jeune historienne vient le trouver. Elle est à la recherche de l’Épée de l’Empereur, disparue dans le chaos des derniers jours de son règne, et que Dun-Cadal aurait cachée en un lieu secret.
Pour elle, le vieux guerrier va ressasser ses souvenirs de gloire et ses regrets amers, à commencer par sa rencontre avec ce garçon qui lui sauva la vie et fit sa fierté avant qu’ils ne basculent tous deux dans le drame et le tourbillon de l’Histoire
C’est alors qu’un assassin sans visage se met à frapper au cœur de la République. Les fantômes du passé refont soudain surface, ravivant les anciennes rancœurs et la soif de vengeance d’un homme perdu sur la voie de la colère.
Présenté comme LA sensation fantasy de l’automne, ce premier roman d’Antoine Rouaud (qui est par ailleurs l’auteur de feuilleton audio pour lesquels il a été primé) a bénéficié d’une sortie exceptionnelle : parution internationale (6 pays), une première pour une oeuvre de fantasy française et lancement lors de la World Fantasy Convention à Brighton en Grande-Bretagne ! Rapproché du Trône de fer de George RR Martin « pour ses intrigues dynastiques et ses drames humains » et du Nom du Vent de Patrick Rothfuss pour sa « prouesse narrative », Le Livre et l’Épée a apparemment (en tout cas d’après le blog de Bragelonne !) tout pour plaire…
Qu’en est-il ?
Difficile d’aborder ce genre de lecture en étant neutre : Stépahne Marsan, co-fondateur de Bragelonne et éditeur d’Antoine Rouaud annonçait ce livre depuis des mois (voir l’article d’Elbakin), une grande campagne de promo comme le fait si bien cette maison d’édition avait été mise en place, beaucoup de passionnés se sont jetés dessus à sa sortie, en ont parlé, etc…
Les attentes étaient donc très grandes, et une petite voix me disaient que je ne pouvais que être déçue.
Ca n’a pas été le cas.
Le roman a un cadre assez original en fantasy puisqu’elle évoque globalement une guerre civile qui va faire basculer un empire pour donner naissance à une République. Si la figure du vieux guerriers qui ne connaît plus qu’amertume et nostalgie n’est pas neuve, elle est ici efficace et l’on est facilement happé par l’histoire de Dun Cadal, qui s’avère attachant au fil de pages.
On retrouve également quelques autres tropes de la fantasy : un système de magie intéressant et mesuré et l’initiation d’un jeune homme auprès d’un maître qui lui apprend l’art du combat et l’art de la magie. Certes, classique mais Antoine Rouaud les aborde d’une façon non galvaudée.
Viola, jeune historienne venue auprès de lui afin de retrouver l’Épée de l’Empereur, symbole fort du pouvoir, réussit à obtenir de cet homme brisé le récit de ses souvenirs qu’il tente désespérément de noyer sous des litres d’alcool.
Et cela m’amène à l’un des grands points forts de l’ouvrage : les choix de narration. Le lecteur oscille constamment entre passé (empire en guerre) et présent (an 10 de la République) au gré de transitions très fines et ciselées et sans que ce bon temporel ne soit parfois signalé par autre chose que par un passage au paragraphe suivant. Le lecteur est donc au sens propre pris dans le vertige de l’Histoire, sans cesse destabilisé (et ce vertige est très agréabe !). Ce procédé atteint un point magistral dans la seconde partie, retournement et relecture de l’histoire suite à une révélation qui intervient en fin de première partie. Si cette dernière ne fut pas une totale surprise (à force d’entendre parler de twist, on a forcément une lecture plus analytique !), je n’ai pas percé la totalité du mystère ! et quand bien même, c’est dans la suite du roman que réside l’intérêt de ce retournement, là encore grâce aux choix narratifs d’Antoine Rouaud : l’histoire va être vue sous un jour totalement neuf et l’on se surprendra à relire un passage de la première partie à l’aune des découvertes de la seconde !
Le style d’Antoine Rouaud se place au service de son histoire : un style fluide, plaisant et dans tous les cas, efficace. C’est sans doute là le terme qui convient pour désigner le roman en général : efficace.
Quid des points négatifs ? Ils sont peu nombreux mais l’un d’eux m’a particulièrement frappé et il m’a fallu un moment pour expliquer la gêne que j’éprouvais à la lecture : j’ai eu du mal à croire au plan du « méchant-peut-être-pas-si-méchant » de l’histoire (beaucoup de gris dans ce récit où le manichéisme n’a pas sa place). Sans rien révéler de l’intrigue, je n’ai tout simplement pas adhéré à ses explications et je ne peux développer de crainte de trop en dire si ce n’est que la religion n’est pas assez présente pour justifier son plan selon moi. La seule fausse note de ce roman, avis très subjectif puisque la plupart des lecteurs ne l’ont pas relevée. Peut-être que la suite éclairera cet aspect.
On regrettera aussi le fait que certains personnages secondaires soient peu développés à l’instar de Viola mais il ne faut pas perdre de vue qu’il ne s’agit là que du premier tome d’une trilogie dont je lirais la suite avec un grand plaisir ! Il reste beaucoup de mystères et j’espère que l’auteur fera preuve d’une aussi belle maîtrise de la narration.
La Voie de la Colère est une très bon premier roman, très solide et efficace. Vivement la suite !
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