Un thriller psychologique au suspense efficace.
Amies d’enfance, Jennifer et Sarah ont pris pour habitude d’établir toutes sortes de listes de précautions, élaborées à partir de données statistiques relativement macabres, accidentés de la route, enlèvements, maladies, viols… Elles organisent alors leur vie, préparant minutieusement leurs sorties et déplacements, en fonction des mesures qui présentent le moins de risques, afin de limiter au maximum les dangers.
« Les statistiques nous réconfortaient. La connaissance, c’est le pouvoir, après tout. Nous savions que nous avions un risque sur deux millions de trouver la mort lors d’une tornade, un risque sur trois cent dix mille de mourir dans un crash d’avion, et un risque sur cinq cent mille d’être tuées par un astéroïde venu s’écraser sur Terre. »
Des années qu’elles s’organisent ainsi au gré de leurs listes des interdits. Et pourtant, pas de chance aurait-on envie de dire, à peine entrées à l’université, les deux jeunes femmes se font enlever et séquestrer dans une cave…
Le terrain devient alors très glissant pour l’auteure, le thème de la séquestration a déjà été mâché et digéré et pas forcément de la façon la plus heureuse. Mais l’on peut dire que Koethi Zan réussit à tourner l’intrigue à son avantage en offrant une construction audacieuse et plutôt bien menée.
10 ans après la fin du calvaire, Sarah est encore franchement traumatisée. Agoraphobe, elle sort peu de chez elle, et ses moindres sorties sont minutieusement préparées. Elle va pourtant devoir repousser ses limites et replonger dans ce passé douloureusement sordide pour assurer le maintien en prison du coupable.
Nous remontons progressivement le fil de l’histoire, suivant Sarah sur les traces de son amie disparue, et apprenons par voie de flashback l’histoire passée, la séquestration, les conditions de détention. Le fond de l’histoire est sordide mais Koethi Zan ne bascule pas dans la vulgaire complaisance, et n’use pas non plus de mièvreries dignes d’un téléfilm de l’après-midi sur la 6.
Nous avons là un thriller qui se défend bien, allant au-delà d’une enveloppe classique en réservant son petit lot de surprises. Les personnages sont plutôt bien construits, assez finement même. La grosse surprise pour ma part réside dans les références puisque l’on cite Foucault, Nietzsche, Bataille et plus largement le mouvement surréaliste. Attention, si vous êtes amateur de ces penseurs, ne vous lancez pas dans ce roman tête baissée, vous risqueriez d’être déçu. En revanche, les références sont suffisamment appuyées pour être relevées, et assez adroitement menées pour ne pas aboutir à un mauvais manichéisme de gare (réfléchir sur le sexe et la mort, la transgression, c’est mal, le SM c’est encore plus mal …). C’est assez drôle de croiser ces références dans un roman de ce genre et finalement plutôt bien amené, même si l’on imagine bien que notre tortionnaire en est féru…
Certains points auraient pu être davantage creusés, les profils plus étayés, et l’écriture est parfois un peu naïve mais pour un premier roman, Koethi Zan s’en sort bien.
Un thriller psychologique au suspense maitrisé et efficace, pas trop gore, qui ravira les amateurs du genre.
La liste de nos interdits / Koethi Zan. Fleuve noir. 2015