Etonnant roman qui conjugue art du décalage, voyage dans le temps et montée d’adrénaline.
Un roman où le déjanté flirte avec le gravissime, avec des pointes d’humour ciselé, des clins d’oeil cinéma et littérature, des passerelles avec notre monde réel actuel, des distorsions dans la langue, les lieux, les regards. Un mélange qui peut certes sembler un peu foutraque mai qui s’agence merveilleusement, ravissant nos papilles oculaires et cérébrales.
« Tuer quelqu’un, ça compte pour rien. Faut observer, surveiller, réfléchir, beaucoup, et au moment où, creuser le vide. Voilà. Creuser le vide. Se débrouiller pour que l’univers rétrécisse, rétrécisse jusqu’à se condenser dans le canon du fusil ou la pointe du couteau. C’est tout. Ne pas se poser de questions, ne pas se laisser guider par la colère, choisir le protocole, agir avec méthode. Blake sait faire ça, et depuis tellement longtemps qu’il ne sait plus quand il a commencé à savoir. Après, le reste vient tout seul. »
En fait, nous nous retrouvons dans un univers proche de la science-fiction, la SF soft, celle qui décale le présent, le bouscule, l’interroge, le tord, s’en amuse, le genre de SF qui plait aux non-lecteurs de SF, la SF l’air de rien en somme, truffée de références que l’on cernera, ou pas, sans gravité.
« Pour se donner le courage de l’aborder, Adrian a bu une bière, puis une autre. A jeun, il peut vaguement faire illusion – Meredith lui a dit un jour, pas méchamment, qu’il avait « un physique à la Ryan Gosling, dans une version dégradée et un peu chauve » – mais là, il ressemble seulement à un type bourré. Il estime à 27 % ses chances de réussite. Elles auraient pu atteindre 40 % s’il n’empestait pas autant l’alcool, mais d’un autre côté, l’ivresse réduira d’environ 60 % la souffrance née d’un refus. Le probabiliste en a conclu qu’avec tant de chances de se ramasser, autant être ivre. »
Une lecture qui plus est fluide, réjouissante, divertissante, un régal de jeux d’esprit, métaphores éclairées, des personnages bien campés, dans un univers qui tient du thriller et de l’action.
Bref tout y est, et étonnamment bien mené. Chapeau ! Je vais maintenant aller fouiller la bibliographie de cet étonnant Hervé Le Tellier, que je ne connaissais jusqu’à présent que de nom et qu’il me tarde de découvrir davantage.
« Quand on a un marteau, tout finit par ressembler à un clou. »
Je n’en dis pas plus, je vous souhaite d’ouvrir ce roman sans trop en savoir, pour vous laisser cueillir et happer tambour battant.
« Il se conforte dans l’idée désespérante qu’en additionnant les obscurités individuelles, on obtient rarement une lumière collective. »
L’Anomalie
Hervé Le Tellier
Gallimard
2020
327 pages
Je ne l’ai pas chroniqué et pourtant je l’ai lu et beaucoup aimé !
ça décrit vraiment ce livre. Un bon moment de lecture où on se laisse porter sans savoir où on va
Je vais patienter et attendre la sortie en poche pour ce titre.
Je l’ai englouti comme un bonbon ce roman, un vrai régal !
Tout pareil ! Déjà envie de le relire !