L’assassin à la pomme verte – de Christophe Carlier

Au Paradise, hôtel clinquant à deux pas du Louvre, des liens sans lendemain se créent, des relations s’invitent, un quotidien parallèle s’installe. Dans ce roman à plusieurs voix, nous rencontrons l’américain, l’italienne, le réceptionniste, la femme de chambre.

Un homme est retrouvé mort dans sa chambre. En attendant que l’enquête révèle ses avancées et confonde le coupable, chacun élabore des théories, les suppositions vont bon train, et au fil de la semaine, l’anonymat s’effiloche.

« Elle était face au buffet, une tasse de café à la main, quand je suis entré dans la salle du petit déjeuner. J’ai rendu les armes avant qu’elle ait eu le temps de me toiser. Je ne déteste pas brusquer les femmes par courtoisie.
Le moment était venu de dissiper le malentendu de la veille. Je lui ait dit que j’avais fait un drôle de rêve pendant la nuit : j’étais transporté dans un pays lointain où l’adultère était inscrit dans les contrats de mariage, et où les « je t’aime » lancés à la volée s’éparpillaient au vent comme des moineaux. Un beau pays en somme, où la vie humaine était protégée partout sauf dans les bars d’hôtel, où chacun pouvait tuer son voisin si l’envie lui en prenait. C’était le seul inconvénient de ce pays de cocagne : il y avait énormément de meurtres. »

Christophe Carlier aime visiblement nouer les mots entre eux, les relier pour leur donner une résonance, et c’est sans doute ce qui donne du corps à cette histoire de meurtre somme toute assez banale. Nous ne sommes d’ailleurs pas dans du roman policier, le crime n’est qu’un prétexte à créer des interactions entre les personnages, qui évoluent dans ce huis-clos hôtelier entre séduction et manipulation.

« – A ce soir, a-t-elle répondu, le regard voilé par une hésitation à laquelle je n’ai pas trouvé de nom. »

De l’amour qui reste aux portes de l’hôtel, du presque désir qui ne se dévoile pas tout à fait, et un mort un peu lourd sur les bords, et qui fait jaser. On pense aux énigmes d’Agatha Christie (en plus moderne), aux Liaisons dangereuses de Laclos. Les personnages ne sont pas spécialement attachants, ce sont leurs rapports les uns aux autres qui sont intéressants et intrigants.

Christophe Carlier a le regard mordant et une certaine élégance dans l’écriture, qui font tout le charme de ce premier roman tout à fait plaisant.

« C’est un criminel au cœur léger qui a dû quitter la suite 205. Aurait-il croisé quelqu’un dans l’ascenseur que son front lisse et sa mise impeccable n’éveillaient aucun soupçon. Il devait être aussi anonyme que l’homme à chapeau melon dont Magritte dissimule le visage derrière une pomme verte. Je l’imaginais, méticuleux, irréprochable, les traits absolument masqués par la rondeur et la couleur du fruit. »

L’assassin à la pomme verte / Christophe Carlier. Editions Serge Safran, 2012
Prix du premier roman 2012

Lu dans le cadre de La Voie des indés, en partenariat avec Libfly et Serge Safran.

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