Avec ce recueil de textes courts comme autant de portes ouvertes sur l’Iran, Alma Rivière fait un beau pied de nez à tous les préjugés qui circulent.
A travers la voix de son narrateur, Alma Rivière célèbre l’iranien en bon vivant, avec un sens affuté de l’hospitalité. Elle nous donne à voir des aperçus, morceaux de vie, anecdotes, souvenirs, comme la petite histoire que l’on se transmet. On parcourt les rues, les écoles, les cafés, on s’invite dans l’intimité de ce pays que l’on a finalement du mal à se représenter.
Elle pointe avec un ton direct, ironique, tranchant et un humour qui peut être cinglant, les contradictions de son pays, les discordances risibles et désespérantes parfois, les absurdités du régime, les lois qui changent, le manque de liberté, le libre arbitre qui se fait la malle, et puis les drames, la guerre, les pertes.
« S’il faut le silence pour vous ouvrir les oreilles, vous devriez voir ce que le gaz lacrymogène fait aux yeux. J’avais décidé d’arrêter d’aller aux manifestations. Je suis un type paresseux. Et puis, ça commençait à se transformer, d’un effort pour changer les choses importantes. Je veux dire, nous voulions que le système existant évolue. Le réformer, comme on avait pris l’habitude de le dire. Nous ne voulions pas le remplacer par un nouveau. Après tout, nous savons tous ce qui se passe quand on remplace le système. Les nouveaux gouvernements ne sont pas très amusants. J’ai donc essayé de rester chez moi et de voir ce qui se passait. Mais c’est difficile de rester chez soi. On ronge son frein, on n’est pas fier de soi, en général, c’est un soulagement de finir par rejoindre la foule. Et puis, de toute façon, quand votre logement est rempli de gaz lacrymogène, vous sortez. »
19 récits très contemporains aux allures de chroniques, comme pour revendiquer ce qui fait réellement l’Iran, tordant le cou aux idées reçues. Avec lucidité et rire jaune, elle remet en question les préjugés que l’on peut avoir et réussi à nous donner le sourire malgré le tragique de certaines situations, et surtout, à nous donner envie de connaître son pays. Bel hommage.
« La carte mondiale des vins omet le plus souvent un endroit appelé l’Iran. Les gens qui créent ces cartes ont tendance à le voir comme un pays musulman et donc sec. Le fait que beaucoup d’Occidentaux pensent que nous autres iraniens allons travailler à dos de chameau doit certainement jouer, aussi. »
Le chameau ivre / Alma Rivière. Rue des promenades, 2016
Merci aux éditions Rue des promenades pour cette belle découverte.
Ce roman participe au challenge Petit Bac, pour la catégorie « Animal ».