Premier roman français pour les éditions du Typhon qui flirtent généralement avec de vieux anglo-saxons, et qui toujours font mouche. Avec leur collection Les Hallucinés, nous sommes davantage à la lisière du conte, de la poésie noire, langoureuse, inquiétante, magnifique. Ici Lucie Baratte nous invite à entrer dans l’univers d’un Barbe bleue revisité, mêlant essences classiques et contemporaines, finesse littéraire, angoisse macabre oppressante et obsessionnelles.
Il était une fois une jeune fille donc, à la tache sombre sur le visage, fille du roi cruel enfermée dans sa tour et ne trouvant l’échappatoire qu’en se mariant à l’énigmatique Barbiche. L’homme a des manières prévenantes et déroutantes. Il dévoile aussi rapidement des goûts et moeurs pour le moins putrides, dans ce château sombre et intimidant. Reste ce « chasseur », avec lequel elle tisse une histoire épaisse, frémissante, qui pour ma part laissée impatiente, avide, et bluffée.
« Il était une fois un château de granit noir. Il se dressait avec majesté sur une île désolée, muet comme un tombeau, sourd comme la neige. Ses blocs de pierre portaient en eux la folie d’un architecte malade. Sa roche antédiluvienne, le sang séché de ceux qui avaient péri à le bâtir. Un château aux murs épais, contre lesquels d’infimes murmures s’étiolaient dans le soir ».
Le chien noir s’impose sans trembler dans la veine de la littérature gothique, enveloppante et délicieusement flippante, porté par une écriture minutieuse et léchée. Un conte noir, qui puise à la fois ses richesses dans les traditions passées tout en raisonnant de façon sidérante avec le monde d’aujourd’hui. La force du genre de fait, de dire, par détournements. On avance silencieusement, presque en apnée dans les pas de cette jeune fille avec qui l’on progresse au fil des pages, où la menace guette, fine et tranchante.
Laissez-vous porter par cette sombre histoire, qui se savoure d’une traite, et vous tient au corps longtemps.
« Les pensées pénibles étaient de retour à mesure qu’elle atteignait les étages inférieurs ; Eugénie aurait préféré qu’elles s’obstinent dans leur silence. Mais jusqu’à preuve du contraire, il n’existe pas de tombeau pour les questions qui nous hantent. »
Le chien noir
Lucie Baratte
Editions du Typhon
2020
184 pages
(Je viens te lire après la rédaction de ma chronique !)