Le roman du mariage – Jeffrey Eugenides

Jeffrey Eugenides n’est pas le genre d’auteur qui publie un roman chaque année à la même période. Pour preuve, 3 romans en 20 ans ! Mais quels romans !

Virgin Suicide, Middlesex, deux romans dont la lecture m’a profondément marquée. Aussi, c’est avec un intérêt non dissimulé que je me suis plongée sans garde-fous dans ce Roman du mariage, mon index droit dans les starting-block, prêt pour un dynamique tourné de pages, garantissant une lecture compulsive sans limites.

Et paf, dégringolade. Bien vite, ce roman m’a ennuyé ferme, sans tout de même franchir les limites du pénible grâce à l’écriture d’un Jeffrey Eugenides assurément en grande forme, mais après coup, la frustration se fait sentir.

Je suis arrivée au bout de ces 550 pages, soutenue plus que jamais par mon fidèle index droit qui s’est réveillé parfois pour tourner les pages de plus en plus vite, à mesure que ma lecture et mon intérêt prenaient de plus en plus la tangente…

Nous sommes dans les années 80 sur la côte Est des Etats-Unis, où nous rejoignons trois étudiants aux vies qui se croisent et se décroisent, au rythme des flirts, amours fluctuants et lubies qui ponctuent si bien ce passage entre la fin de l’adolescence et la plongée dans l’âge adulte.

Leonard est un étudiant à la fois scientifique et littéraire, passionné autant par ses recherches en biologie que par la sémiotique. Il pourrait presque postuler au rang de gendre idéal si son charisme n’était pas bousculé par une maladie pas tous les jours facile à vivre, la maniaco-dépression.
Mitchell, quant à lui s’intéresse de plus en plus à la religion. Après la remise des diplômes, il part en Inde, et tente de capter la lumière qui confirmera son projet de poursuivre sa voie dans la théologie.
Et Madeleine, férue de littérature victorienne, qui s’abreuve des textes de Jane Austen ou d’Emily Dickinson et se spécialise dans le roman matrimonial. Madeleine, la romantique jeune fille issue d’une bonne famille. Madeleine, qui fait chavirer les cœurs. Car ce n’est pas un secret, Mitchell est amoureux de Madeleine qui aime profondément Léonard, tout en étant pas tout à fait insensible au charme de Mitchell… Nous sommes assurément en plein triangle amoureux.

Le roman du mariage aborde de nombreux thèmes, la famille, l’amour, le mariage bien sûr, la sexualité, la maladie, les choix, tout cela sur un riche fond littéraire, trop peut-être, à mon goût du moins. Nos trois compères élaborent de grandes théories métaphysiques à coup de Derrida ou de Deleuze, cherchent leurs réponses dans Fragments d’un discours amoureux de Barthes…
A vrai dire, je ne me suis pas très attachée à eux, ce sont les étudiants typiques que je cherchais à fuir à la fac, ceux qui pensent détenir une vérité en ayant lu les œuvres majeures. Je grossis le trait, mais cet étalage littéraire à outrance m’a semblé bien long…

Pourtant j’ai aimé retrouver la plume de Jeffrey Eugenides, ses tournures, son humour. Il joue des changements de points de vue et des flashbacks pour construire un roman d’apprentissage qui s’intéresse à la complexité de l’amour.

Ce roman n’était peut-être tout simplement pas pour moi, à charge de revanche.

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Un aperçu de lecture :

« Selon Saunders, le roman avait connu son apogée avec le roman matrimonial et ne s’était jamais remis de sa disparition. A l’époque où la réussite sociale reposait sur le mariage, et où le mariage reposait sur l’argent, les romanciers tenaient un vrai sujet d’écriture.
Les grandes épopées étaient consacrées à la guerre, le roman au mariage.
L’égalité des sexes, une bonne chose pour les femmes, s’était révélée désastreuse pour le roman. Et le divorce lui avait donné le coup de grâce.
De l’avis de Saunders, le mariage ne signifiait plus grand-chose, et il en allait de même pour le roman.
Qui utilisait encore le mariage comme ressort dramatique? Personne.
On n’en trouvait plus trace que dans les fictions historiques. »

Et un autre pour la route :

« Fragments d’un discours amoureux » était le remède parfait contre les peines d’amour. C’était un manuel de réparation pour le coeur, avec le cerveau comme seul outil.
Si on utilisait sa tête, si on prenait conscience de la dimension culturelle dans la construction de l’amour et du fait que ses symptômes étaient purement intellectuels, si on comprenait que l' »état amoureux » n’était qu’une idée, on pouvait se libérer de sa tyrannnie.
Madeleine savait tout cela.
Le problème, c’est que cela ne marchait pas.
Elle pouvait lire Barthes déconstruisant l’amour à longueur de journée sans sentir la moindre atténuation de celui qu’elle portait à Léonard.
Plus elle lisait « Fragments d’un discours amoureux », plus elle se sentait elle-même amoureuse. »

Le roman du mariage / Jeffrey Eugenides. Editions de l’Olivier. 2012

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