Le vieil homme et la mer – Ernest Hemingway

Ouverture de la deuxième saison du challenge lecture Les classiques c’est fantastique, impulsé par les toujours motivantes Moka et Fanny, avec ce mois-ci une invitation au voyage… Un voyage assez peu reposant ici, en tout cas pour notre protagoniste, aux côtés duquel nous embarquons en pleine mer pour une partie de pêche qui ne nous laissera certes guère apprécier le clapotis de l’eau mais qui nous plongera avec force et passion dans toute la majesté du monde marin.

Sur la côte cubaine, Santiago, un vieux marin qui n’a pas péché depuis plus de quatre-vingts jours, repart une fois de plus en pleine mer. Dernièrement, il embarquait avec un môme, qui a tissé des liens très forts avec le vieil homme et veille encore sur lui même s’il a dû aller apprendre à pêcher sur un autre bateau mieux armé, mieux équipé ou simplement plus chanceux.

Voilà donc notre homme face à lui-même, espérant plus qu’il ne peut que ce jour verra enfin une nouvelle prise. Et ça mord justement, et le bestiau semble balèze. Il va balader le marin presque à bout de bras durant des heures, des jours et des nuits jusqu’à enfin céder devant la patience sans faille de l’homme, l’acharnement sage et ferme, le geste sûr malgré le temps passé et la fatigue.

« Il eut beau pomper tant et plus, rien ne se produisit. Le poisson s’éloigna lentement et le vieux ne put le hisser d’un centimètre. Sa ligne était solide et faite pour les grosses prises. Cependant, elle était si tendue contre son épaule que des gouttelettes en jaillissaient. Le filin émettait dans l’eau une espèce de sifflement sourd ; le vieux halait toujours, s’arc-boutant contre le banc et se penchant en arrière pour mieux résister. Le bateau commença à se déplacer doucement vers le nord-ouest.
Le poisson tirait sans trêve ; on voyageait lentement sur l’eau calme. Les autres appâts étaient toujours au bout de leurs lignes ; il n’y avait qu’à les laisser. Je voudrais bien que le gosse soit là, dit le vieux tout haut. Me voilà remorqué par un poisson à présent et c’est moi la bitte d’amarrage ! Si j’amarre la ligne trop près, il est foutu de la faire péter. Ce qu’il faut, c’est se cramponner tant que ça peut et donner du fil tant qu’il en demande. Dieu merci, il va droit devant lui, il descend pas.
« Qu’est-ce que je fais si il se met dans la tête de descendre? Je me le demande. Qu’est-ce que je fais si il coule et si il crève ? je ferai quelque chose. Y a plein de chose que je pourrai faire. »
Il maintenait la ligne contre son dis et guettait l’inclinaison qu’elle gardait dans l’eau; pendant ce temps-là, le bateau voguait à bonne allure vers le nord-ouest.
« Ça, ça sera sa perte, pensa le vieux. Il peut pas mener ce train-là à perpète. »
Quatre heures plus tard, le poisson nageait toujours, en plein vers le large, remorquant la barque, et le vieux s’arc-boutait toujours de toutes ses forces, la ligne en travers du dos. »

Une fois vaincu, le poisson sera trop gros pour être monté à bord alors il sera tracté mais la berge n’est pas tout près et les requins à l’affût.

Un texte absolument remarquable, dans lequel Hemingway brosse une certaine idée du destin immanquable, célèbre le courage, la ténacité, la fierté dans l’effort et non dans la réussite. Nous naviguons entre une réalité brute et un certain lyrisme, la solitude pleine en miroir de cette solide et belle amitié, le combat épique entre homme et animal avec toujours dans l’air ce respect serein.

Hemingway était journaliste, écrivain et voyageur. Dans ce dernier roman, il écrit Cuba, dont il était tombé sous le charme vingt ans auparavant et où il passa une partie de sa vie, pêche et troquets locaux au programme. On retrouve ici l’essence de ses chères aspirations, au service d’un récit fort et sensible, entre hymne à la mer et légendes que l’on se transmet au coin du zinc.

Le vieil homme et la mer
Ernest Hemingway
traduit par Jean Dutourd
Gallimard
1952


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Prochain rdv fin juin autour de l’oeuvre de Jules Verne…
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11 commentaires sur “Le vieil homme et la mer – Ernest Hemingway”

  1. Ce roman m’avait beaucoup marqué, pour le reste je n’ai jamais pu terminer aucun autre roman d’Hemingway, sans même en connaître la raison.

  2. « La fierté dans l’effort et non dans la réussite », super bien vu !
    Ah Hemingway…
    Parmi les romans cubains d’Hemingway je te recommande En avoir ou pas, beaucoup moins philosophique certes, mais qui a été adapté au cinéma avec le couple Bogart-Bacall mais surtout avec Faulkner pour signer le scénario !! Ce dont je ne me remets pas parce que je crois que Faulkner et Hemingway ne pouvaient pas se blairer….

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