Hasard qui mériterait presque une interprétation en lui-même, j’ai découvert l’œuvre de Pacôme Thiellement au moment du premier confinement. J’ai donc eu le loisir de m’imprégner de ses premiers ouvrages parus aux PUF, à savoir Sycomore Sickamour, et La victoire des sans roi.
Ces essais , creusant dans la même veine que L’enquête infinie, sont des petits bijoux d’érudition, mais qui se lisent comme des romans, avec cette mise à disposition d’un savoir pointu via une forme littéraire simple, et d’une richesse abondante.
Le grand sujet qui est au centre de l’œuvre de Thiellement est celui du gnosticisme, une mystique contemporaine des fondements du christianisme, qui a des origines ramifiées dans les ésotérismes primitifs, et dont la sagesse s’est répandue dans toutes les doctrines progressistes jusque chez les icônes de la pop culture, John Lennon ou des show runners de séries contemporaines entre autres.
Petit à petit, de livre en livre, mais aussi je suppose à mesure que ses analyses et ses découvertes avancent ledit Thiellement construit un édifice de savoir qui fait apparaître les fils qui relient les manifestations culturelles dans l’espace et dans le temps. C’est absolument vertigineux.
Tout cela prend cette fois-ci la forme d’une enquête, il faut relever les signes, interpréter les symboles, s’ouvrir aux épiphanies, en essayant de trouver de la cohérence, et en évoluant toujours sur une corde tendue au dessus du précipice de la folie.
Ne vous fiez pas à la quatrième de couverture qui par un name dropping presque obscène tend à faire passer l’objet pour un phénomène de foire.
Ce livre vaut bien mieux que ça, l’auteur nous emmène dans sa réflexion avec une habileté assez incroyable, on avance donc à l’aveugle dans un labyrinthe dont on ne sait jamais quelle figure illustre va surgir au détour d’un virage. Néanmoins on se sent toujours guidé et la maîtrise dans les orientations qu’il nous donne est certaine. Les moments d’effroi qui tempèrent l’exaltation sont savamment disposés.
Parce que oui, les fragments de sens qu’il met au jour sont absolument exaltants mais comme il le rappelle bien, le mal rampant n’est jamais loin et le Minotaure qui garde le labyrinthe est susceptible de nous tomber dessus, même au moment où l’on se réjouit de rencontrer le génial et mystérieux Tod Browning par exemple.
Au fil de ces plus de 500 pages, on voit donc mise sous nos yeux une somme de connaissances autour de la culture en générale et de la pop culture en particulier vraiment pléthorique. Les personnages illustres sont nombreux, mais plus encore leurs citations, et ce sont ces citations qui sont comme des pépites sur le chemin. Pacôme Thiellement nous offre également ses analyses poussées, en particuliers de séries ou de films qui ne sont pas forcément des plus connus ou des plus récents, mais d’où émerge encore une fois un matériau propice à la réflexion.
Le travail n’est pas totalement mâché cependant, et la perspective reste critique. On pourra donc à l’issue de cette lecture poursuivre notre propre enquête, partir à la découverte des œuvres citées, et nourrir nos recherches en mêlant au contenu ainsi offert le résultat de nos investigations.
Vous l’aurez compris j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre , et je remercie chaleureusement son auteur de passer aux profanes les aboutissements de sa quête existentielle.
Cet ouvrage fait partie des publications perspectives critiques des PUF qui poursuivent ainsi la mission de démocratisation du savoir qu’elles ont entreprise depuis si longtemps.
L’enquête infinie
Pacôme Thiellement
PUF
535 pages