« Merci, Anne Hébert. Après la lecture de Kamouraska, j’ai troqué l’ordinaire de ma vie en ville contre l’inconnu et me suis libérée des rouages du système pour découvrir ce qui se dessine hors des sentiers battus. Merci de m’avoir fait rêver d’une forêt enneigée où m’encabaner avec ma plume. »
Le féminisme et le grand air ont le vent en poupe en littérature, alors on ne va pas s’en plaindre mais forcément, ça suscite aussi un peu la méfiance. Mille fois à tord.
« C’est ici, au bout de ma solitude et d’un rang désert, que ma vie recommence. »
Encabanée, ou l’histoire d’une jeune femme, Anouk [mais dont l’histoire flirte pas mal avec celle de l’autrice] qui claque tout pour aller vivre dans les bois québécois, dans un chalet sans électricité ni eau courante. Sauf que bien vite, le romantisme de la démarche s’envole pour des questions de survie pure car on ne s’improvise pas femme des bois comme ça. Non pas qu’elle l’ignorait mais la rudesse et la solitude sont pleines de surprises.
« Je reste ici à manger du riz épicé près du feu, à chauffer la pièce du mieux que je peux et à appréhender le moment où je devrais braver le froid pour remplir la boîte à bois. Ça en prend, des bûches, quand tes murs sont en carton. Un carillon de gouttelettes bat la mesure et fait déborder les tasses fêlées que j’ai placées le long des vitres. Par centaines, les glaçons qui pendent au-delà des fenêtres sont autant de barreaux à ma cellule, mais j’ai choisi la vue du temps jadis, la simplicité volontaire. Ou de me donner de la misère, comme soupirent mes congénères, à Montréal. »
Avec humilité, justesse et tempérament, Gabrielle Filteau-Chiba pose les questions et les limites, autant qu’elle interroge le monde, la société qu’elle cherche à fuir et à refonder autrement, questions qu’elle aborde sous le prisme femme-homme. Accepter l’aide, s’accepter soi-même, revoir sa réalité, capter ce que l’on est venu chercher, se recentrer et bousculer ses repères pour en former d’autres.
Evasion, déconnexion, réflexion, engagement, un petit bouquin tout simple et qui en dit long et que je souhaite à l’autrice de bien circuler.
« Dans mon ancienne vie, je possédais une chaîne stéréo, une télévision et j’étais abonnée à un forfait d’une centaine de postes. Pourtant, je pitonnais sans trouver ma place, sans plaisir. J’ai troqué mes appareils contre tous les livres que je n’avais pas eu le temps de lire, et échangé mon emploi à temps plein contre une pile de pages blanches qui, une fois remplies de ma misère en pattes de mouche, le temps d’un hiver, pourraient devenir un gagne-pain. Je réaliserai mon rêve de toujours : vivre de ma plume au fond des bois. »
Encabanée
Gabrielle Filteau-Chiba
Le Mot et le Reste
2021
115 pages
et paru en poche chez Folio