Mme Moriguchi est enseignante. Enfin plus pour longtemps. Alors qu’elle fait ses adieux lors du discours de fin d’année, elle accuse deux élèves d’avoir tué sa fille de 4 ans, retrouvée dans la piscine du collège un mois plus tôt, et les avertit de l’exécution de sa vengeance.
« En cette heure, ma dernière dans l’enseignement, je me repose la question : qu’est- ce qu’un enseignant ? Le jour où j’ai décidé de devenir enseignante, ce n’était pas parce que je trouvais cela romantique, ni parce que j’avais eu un professeur extraordinaire qui avait changé ma façon de voir la vie quand j’étais jeune, ni pour toute autre raison de ce genre, non. C’était parce que ma famille était pauvre. J’étais une fille, et mes parents me disaient tout le temps que je n’avais pas besoin de faire des études longues. Or, moi, j’aimais cela, étudier. Alors j’ai postulé pour une bourse. Cette bourse m’a été très facilement accordée. À croire que ma famille était encore plus pauvre que je ne le pensais… En tout cas, si je me souviens bien, cela a plus joué en ma faveur que mes bonnes notes. Je suis donc entrée à l’université publique de ma région natale, où j’ai étudié la chimie, parce que j’aimais la chimie, tout en commençant à travailler dans une boîte à bachot, à faire réviser les élèves. Vous avez des adultes qui trouvent que les enfants qui vont à l’école du soir en sus de l’école obligatoire, en prenant sur leur temps de repos, sont à plaindre. Moi, je dis qu’ils ont beaucoup de chance d’avoir des parents qui les poussent à faire des études. Bref, à la fin de mon cycle universitaire, en quatrième année, j’ai cherché un vrai emploi. J’aurais aimé poursuivre dans la recherche, mais le désir de gagner ma vie comme il faut l’a emporté. Et puis, vous le savez peut- être, le fait de s’engager dans l’enseignement dispense de devoir restituer l’argent de sa bourse. J’ai donc passé sans hésiter les concours de l’Éducation nationale… Vous trouvez cela douteux, comme vocation ? Ça vous regarde. Néanmoins j’ai eu à cœur de remplir correctement ma mission d’enseignante. »
Au fil des chapitres, les points de vue se succèdent, développant la perception de chacun sur le drame survenu et les suites de la fulgurante annonce. La déléguée de classe s’exprimant dans une lettre à l’enseignante, Naoki et Shûya les deux accusés, le premier revenant avec douleur sur ses jeunes années, le second se vantant sur son site de mes machiavéliques inventions, la sœur de Naoki intervenant au lendemain d’un autre drame, puis sa mère à travers son journal intime.
Kanae Minato soulève de nombreuses questions dans son premier roman qui explore ici le contexte scolaire japonais et plus largement la société nippone dans sa globalité, les choix politiques, la maladie. Elle interroge, remet en cause, interpelle. Elle évoque la notion de responsabilité, l’angoisse de perdre la face, la culpabilité, la détresse, l’amertume, et en fil rouge la vengeance et ses multiples visages.
Un roman bien ficelé, avec une manière d’aborder les choses qui diffère du regard souvent américomniprésent dans ce genre d’histoire. Quelques longueurs, quelques redites parfois, écueils difficiles à déjouer dans ce genre d’exercice où une même histoire est évoquée plusieurs fois… Bémol cependant insuffisant pour passer sa route, car il s’agit bel et bien d’une lecture fort enrichissante.
Bestseller au Japon, publié aux Etats-Unis sous le titre Confessions, et adapté au cinéma sous le même titre.
Les assassins de la 5eB / Kanae Minato. Seuil (policiers), 2015
Vraiment très intéressant. J’ai fini le livre en 2 jours.
Contente qu’il vous ait plus. J’ai beaucoup aimé l’angle choisi par l’auteur et son traitement des sentiments. C’est un roman qui reste et laisse des traces.