Les gars de Villiers

Villiers-sur-Marne. La banlieue parisienne. Les Hautes-Noues. Une cité comme tant d’autres.  Celle dont on parle dans les journaux, qui mobilise de nombreux sujets et autres marronniers à la télévision. Celle qui délie les langues.
La banlieue, pire, la cité, le mot qui effraie, qui évoque halls d’immeubles, conflits et autres voitures brûlées. Qui évoque l’immigration aussi, le sujet qui fâche. La cité et ses jeunes, trop souvent synonyme de délinquance.Cette jeunesse qui pose question aujourd’hui prend la parole, à travers ce livre par la voix des dix gars de Villiers.
Nous découvrons ainsi au fil des pages Franklin, Hadama, Fabrice, Endy, Gamal, Samba, Mara, Yassine, Mossi et Yann. Chacun prend la parole et s’exprime à sa manière, entre langage parlé et écriture fine et ciselée.

Le livre est découpé par thèmes et nous découvrons les points de vue, visions et souvenirs de chacun sur la cité, le foot, le vol, la drogue, la police, la religion, l’amour, la politique, le racisme. Des questionnements, des regrets, des rêves, des convictions, des projets, des échanges, sur des sujets qui les touchent, les portent, les révoltent ou les font vibrer.

Il ne s’agit pas seulement de souvenirs de vols de bonbons à la boulangerie ou de dérapages plus sérieux. C’est aussi, même s’ils ne l’admettent pas toujours, une conscience politique qui s’installe, des regards sur leurs origines, ce qu’ils veulent transmettre et construire. On regrette cependant de ne pas pouvoir prolonger le débat autour d’un café car les questions soulevées mériteraient souvent un échange direct avec les auteurs afin d’approfondir ce qui a été évoqué.

Un livre qui reprend les clichés à son compte pour les développer et leur donner du relief. Et s’il paraît toujours trop banal pour certains, ce livre a au moins le mérite d’être écrit, pour une fois, par des gens qui ont grandi dans cette banlieue montrée du doigt. Car ces 300 pages n’ont pas été pondues sur un coup de tête. Ces gars là les ont façonnées pendant quatre ans, aidés  par le sociologue Marwan Mohammed puis par la journaliste Pascale Egré.
Plusieurs années, pour livrer un témoignage urbain d’une réalité bétonnée.

« Plus tard, à l’école, nous les enfants d’immigrés, on était souvent assimilés aux personnes potentiellement perturbantes. Et ça, c’était dès l’inscription. Rien qu’à la lecture du nom, on avait le sentiment que les responsables d’établissement savaient si oui ou non cette personne allait ou pas déranger ses futurs camarades. Je sais, certains vont le nier. Mais comment expliquer que l’on retrouve, dans une même classe, tous les élèves d’origine étrangère ? Et qu’il n’y en ait, dans d’autres, que quatre ou cinq ?
Moi, ça m’a fait mal.
Il est évident que regroupés comme ça, on se sent rejetés, et c’est difficile d’étudier dans ce contexte. L’école pense peut-être qu’on ne s’en rend pas compte. Or il suffit de regarder autour de soi : autour, il n’y a que des personnes qui nous ressemblent et on se demande pourquoi. Est-ce qu’on dérange ? Sommes-nous si différents des autres élèves ?
Moi, c’est comme ça, à ce moment-là, qu’a commencé ma quête d’identité. »

Les gars de Villiers / présenté par Pascale Egré, de Franklin Anzité, Hadama Bathily, Yann Dagba, Fabrice Dyndo, Endy Eboma, Gamal Hamada,Samba Kanouté, Mara Keita, Yassine Mohammed, Mossi Traoré. Ginkgo éditeur. 2011

Merci aux Agents Littéraires et aux éditions Ginkgo pour cette lecture. 


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