Lysistrata – Aristophane

Le mois antique s’achève pour ce retour aux classiques impulsé par Moka et Fanny. L’antiquité n’étant clairement pas ma période de prédilection, je me réservais lâchement le droit de botter en touche, mais c’était sans compter la richesse du genre, et qu’il suffisait de m’y pencher pour finalement réussir à me mettre en appétit, réussissant à me mettre sous la dent non pas un mais deux textes antiques ce mois-ci, qui l’eût-cru. 

Bon, mon rapport à la littérature antique s’était déjà un peu amélioré ces derniers mois, après la lecture de l’excellent fanzine Amer, consacrant quelques opus à la langue et sa traduction, avec notamment un entretien passionnant avec Marie Cosnay, à propos de sa nouvelle traduction du latin des Métamorphoses d’Ovide, parue chez L’Ogre, adoucissant un peu en moi la tendance rebrousse-poil liée à la période, bien calée depuis le lycée.

Me voilà donc dans les mots d’Aristophane, avec cette pièce, Lysistrata, truculente, licencieuse et pas piquée des hannetons.

« LE CORYPHÉE DES HOMMES
Dis-moi, vieux Duflambard,
est-ce que nous allons
laisser ces gueuses-là jacasser tout au long ?
Et ne faudrait-il pas leur briser nos tribarts
à grands coups sur les reins ?

LE CORYPHÉE DES FEMMES
Et nous, posons par terre
nos cruches, pour n’en être empêtrées si jamais
l’un d’eux prétend lever la main sur nous !

LE CORYPHÉE DES HOMMES
Que nous leur avons-nous
déjà flanqué, morbleu, deux, trois coups sur les dents,
comme à Guignol ? ça les aurait fait taire !

LE CORYPHÉE DES FEMMES
Et bien soit, à tes ordres :
cogne, je suis à toi, je t’attend de pied ferme.
Mais nuls crocs que les miens n’auront le privilège
de t’arracher les couilles ! »

Lysistrata, c’est l’histoire de ces femmes, qui ont décidé de faire la grève du sexe, pour faire revenir leurs hommes au bercail, les enjoindre de cesser cette guerre qui sévit dans le Péloponnèse. Nous sommes dans la cité d’Athènes, en -411, et Aristophane se frotte à la domination masculine dans une pièce qui tient de la comédie grivoise.

« LE CORYPHÉE DES FEMMES
Allons, intrépides mémées, commères barbelées ! En avant, de la fougue ! et ne mollissez pas : vous avez toujours le vent en poupe !

DEMOBILISETTE
Qu’amour, avec les doux secrets
qu’il doit à sa mère Cypris
souffle une haleine de désir
autour de nos seins, de nos cuisses ;
que, pour de tendres tentatives
se dresse et se tende la trique
des hommes – alors m’est avis
qu’un jour les gens de ce pays
nous donneront pour étiquette :
les Démobilison-lisettes ! »

Lysistrata, ici Démobilisette, convoque les femmes des cités alentour pour mettre fin à la guerre du Péloponnèse. Il y a du zob, du mécontentement, des supplications, et puis de l’acidité aussi, qui en dit long sur les rôles de chacun.e.s, et si Aristophane ne dénonce pas non plus clairement (une fois la guerre terminée, la vie, les rôles, les moeurs reprennent leur cours), en tout cas il pointe (si je puis dire).

« DÉMOBILISETTE
Voyez-vous ça ? que je t’appelle Minouche ? Et toi, qui est-tu don ?

CHAULAPIN
Son mari, Chaulapin de Triquebourg !

DEMOBILISETTE
Ah ! bonjour, cher ami !
Ton nom n’est pas chez nous sans gloire, ni renom !
Ta femme l’a sans cesse sur les lèvres ! Qu’elle touche un oeuf, une pomme, on l’entend dire : « Si je pouvais donner ça à Chaulapin ! »

Lysistrata
Aristophane
traduction Victor-Henry Debidour
in Théâtre complet II
pp. 123-200
Gallimard (Folio)

Retrouvez les autres rdv antiques par ici.
Prochain rdv fin octobre avec Balzac et/ou Flaubert…
Si vous souhaitez en savoir plus, voire même rejoindre (régulièrement ou ponctuellement) l’équipée, c’est par là.

6 commentaires sur “Lysistrata – Aristophane”

  1. Je crois avoir lu des extraits de cette pièce quand je suivais un cours de littérature antique à la fac en complément de mes cours de latin. J’avais pas creusé plus loin mais ta chronique me donne envie de ressortir également mes éditions théâtrales « œuvres complètes »

  2. La littérature antique n’est pas mon dada non plus, même s’il y a des textes qui sortent du lot. Le contexte m’intéressait mais les extraits déjà moins, je n’apprécie pas beaucoup le grivois. En tout cas toi tu as apprécié et c’est bien le principal, tu as fait de bonnes pioches 🙂

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