Martiens, go home ! – Fredric Brown

«Salut, Toto ! C’est bien la Terre, ici ?»

Le retour aux classiques faisait dans la science-fiction ce mois-ci. Pour ma part, lumière sur un roman que je devais lire depuis longtemps et je me demande bien pourquoi je ne l’ai pas ouvert plus tôt tellement ce fût réjouissant. Fredric Brown était un spécialiste de la nouvelle, de la micronouvelle même, dans un registre science-fiction ou polar, avec une appétence particulière pour l’humour, l’absurde, le burlesque, et un talent pour des chutes aux petits oignons.

« Si les peuples de la Terre n’étaient pas préparés à la venue des Martiens, c’était entièrement leur faute. Les événements du siècle en général et des précédentes décades en particulier avaient dû leur mettre la puce à l’oreille. »

Ici un court roman, qui s’ouvre sur une cabane dans le désert californien, occupée par Luke Devereaux, écrivain de SF en mal d’inspiration, et dont la quête va rapidement être mise à mal par l’arrivée d’un petit homme vert toquant à sa porte. Ce martien sera en fait loin d’être seul et les terriens vont vite déchanter face à cette arrivée impromptue et à la répartie sans filtre des nouveaux venus. Comme l’annonce l’auteur en prologue, c’est bien la peine de réfléchir à des formes de vies extraterrestre, d’imaginer foule de scénarios, pour se retrouver étonné, perplexe, paniqué, lorsqu’ils investissent effectivement nos vies. Pour autant, ce qui perturbe d’autant plus la population, après la surprise passée de la rencontre, réside dans la caractère ultra pénible des visiteurs, qui entendent tout, voient tout, et s’en donnent à coeur joie pour dévoiler secrets et vérités, se gargarisent de chambouler les routines à coup de farces gratinées, à la manière de sales gosses un peu teigneux. De fait, il va bien falloir trouver un moyen de s’en débarrasser ou en tout cas faire avec, et plusieurs ont leur petite idée sur la question… à voir quel effet cela aura…

« Ils se répartissaient partout en proportion. Aucun endroit ne les intéressait plus qu’un autre. Maison-Blanche ou chenil, c’était tout comme. Les plans d’installation de la station interplanétaire ou les détails de la vie sexuelle du plus humble balayeur de rues leur inspiraient le même ricanement.
Et partout, de toutes les façons, ils envahissaient l’intimité. Les mots mêmes d’intimité, de secret, n’avaient plus de sens, ni sur le plan individuel ni sur le plan collectif. Tout ce qui nous concernait sur ces deux plans les intéressait, les amusait et les dégoûtait.
Manifestement, leur propos était l’étude du genre humain. Ils ne prêtaient pas attention aux animaux (mais n’hésitaient pas à les effrayer ou les tourmenter si l’effet en retombait indirectement sur les hommes).
Les chevaux notamment les craignaient beaucoup, et l’équitation – tant comme sport que comme mode de locomotion – devint impraticable à force de danger.
Seul un casse-cou se fût enhardi, avec les Martiens dans les parages, à traire une vache sans l’attacher et lui immobiliser les pieds.
Les chiens piquaient des crises de nerfs. Beaucoup mordirent leurs maîtres, qui durent s’en débarrasser.
Seuls les chats, passés les premières expériences, s’accoutumèrent à leur présence et la supportèrent avec un calme olympien. Mais les chats, comme chacun sait, ont toujours été des êtres à part. »

Ce roman est une pépite, entre imaginaire SF et comédie frappée. Beaucoup d’humour, de la répartie, et des profondeurs acides sur notre monde, qui ne rendent le roman que meilleur. Une dystopie joueuse et sarcastique à mettre en toutes les mains, un classique SF très fun, parodie culte pour les amateurs du genre, et tout aussi réjouissant pour les non-initiés.Vraiment bien joué !

« Même si je ne suis pas très intelligent, je suis fou et je ne comprends rien, merci. »

 

Martiens, go home !
Fredric Brown
Gallimard (Folio)
1955
182 pagesRetrouvez les autres titres ici ou .
Prochain rdv fin janvier aux portes de l’Asie.
Si vous souhaitez en savoir plus, voire même rejoindre (régulièrement ou ponctuellement) l’équipée, c’est par là !

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