De la fin du 19è siècle aux années 1960, le théâtre du Grand-Guignol en a fait frémir plus d’un. Situé dans une impasse du quartier de Montmartre à Paris, rue Chaptal, on pouvait y voir au départ des pièces controversées, un théâtre de foire et de farces où l’on se joue de la morale et de la bienséance. Au fur et à mesure, notamment par le fait du metteur en scène André de Lorde, le Grand-Guignol s’est spécialisé dans un théâtre de genre, avec des pièces d’épouvante et des meurtres abominables à la clé.
Les spectateurs sont nombreux. On y trouve des habitants du quartier, des artistes, des figures décadentes, des policiers, des médecins. Un public varié entre bourgeois et franges populaires, tous avides d’affaires sordides, avec un mélange de fascination et de curiosité pour le sang qui coule. Certaines femmes épouvantées s’évanouissaient, d’autres trouvaient le réconfort dans les bras de leur voisin, pendant qu’au bar on servait des remontants.
Agnès Pierron est spécialiste du théâtre du Grand-Guignol. Elle a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet, donne des conférences bien au-delà de nos frontières, et s’intéresse depuis longtemps à la personnalité de Maxa en particulier. Elle dévoile ici le fruit de ses recherches, nous présente comment Marie-Thérèse Beau est devenue Maxa, l’une des actrices phare du théâtre pendant 20 ans (1917-1938).
Elle dresse ici portrait, révélant ses traits de caractère, pointant ses contradictions. Maxa a plusieurs fois quitté le Grand-Guignol pour diverses raisons, l’occasion s’il le fallait, d’asseoir sa réputation de femme de caractère, mais elle y est toujours retournée. Agnès Pierron évoque l’actrice à travers ses rôles, dans des pièces plus dramatiques et épouvantables les unes que les autres. A chaque représentation, ses cris font fureur. Avec son partenaire Georges Paulais, ils connaissent le succès, et Maxa subit des supplices on ne peut plus variés : vitriolée, violée, brûlée, guillotinée, enfermée avec des lépreux, fusillée, écartelée, ébouillantée, piétinée par un troupeau de taureaux, empoisonnée, éviscérée…
On lui a attribué de nombreux surnoms mais elle aimait se dire « la femme la plus assassinée au monde ».
« On m’a tuée des milliers de fois ; j’ai été découpée en morceaux ; j’ai eu les yeux crevés ; j’ai reçu le fameux baiser du lépreux ; on m’a arraché les seins, pendue, éventrée que sais-je ! Le revolver, le couteau, le poison m’ont tour à tour, selon l’invention diabolique des auteurs, ensanglantée, anéantie dans en d’atroces convulsions. Et de voir le public haletant, horrifié ; de savoir que des femmes, comme moi, parmi les spectatrices, s’évanouissaient, j’éprouvais une grande joie artistique. Ces démonstrations ne prouvaient-elles pas la sincérité de mon jeu ? »
(extrait d’un entretien avec Maxa, Journal, 2 octobre 1936)
Avec ce livre, il ne s’agit pas seulement de la biographie d’une femme inconnue ayant joué dans un théâtre osbcur. Agnès Pierron dresse le portrait du Paris de la Belle époque, les moeurs, le monde du théâtre, le portrait d’une femme à cette époque (l’évolution du maquillage, la mode), ou encore le poids de l’actualité (retentissement de la guerre 14-18).
Captivant et instructif !
Pour en savoir plus sur ce théâtre, vous pouvez lire mon article sur le sujet ICI où vous trouverez également d’autres références de livres pour approfondir le sujet.
Maxa : la femme la plus assassinée du monde / Agnès Pierron. L’Entretemps. 2011
Quelle vie !
C’est rien de le dire !