Nous étions des loups – Sandrine Collette (Grasset)

Relation père-fils au bord du précipice, grands espaces aussi ressourçants qu’hostiles, rudesse qui vous met les foies, pas de doute, on est bien chez Sandrine Collette.

« C’est un pays que j’aime, un pays où chaque jour est tellement grand qu’on peut se perdre sans cesse et les routes sont des pointillés qui s’effacent. »

Liam est un homme assez taiseux et pour vivre pleinement en accord avec lui-même il a choisi de s’installer dans les forêts montagneuses. Une vie rocailleuse qui s’inscrit au fil des saisons, de la chasse, de la nature qui s’offre ou pas, mais taillée à sa mesure.

« Il n’y a pas de mots pour définir ce qui m’étreint et je me dis que c’est pour ça que je vis ici, pour toucher du doigt, du bord du coeur, le territoire sauvage qui survit en moi et à ces moments-là quand les loups hurlent dans la montagne je sais que je ne suis pas seul. »

A ses côtés, sa compagne, rencontrée lors d’un occasionnel passage en ville, jeune femme qui a choisi de défier l’âpreté montagneuse et de l’adoucir un peu, et leur fils de cinq ans, Aru. Ce garçon, il le retrouvera caché enfoui sous sa mère un jour de retour de chasse, après l’attaque d’un ours.

« C’est le jour où elle est morte que j’ai compris que le monde sans quelqu’un pour qui on donnerait tout c’est l’enfer, et pour moi l’enfer c’est quand il n’y a plus de sens, où que tu ailles ça sonne creux. »

Liam va sentir monter panique et interrogation. S’il l’aime ce môme, bien évidemment, il n’a pas choisi de l’avoir seul, et comment de toute façon, trouver les capacités de l’élever avec ce que demande l’organisation quotidienne nécessaire à leur survie. Une seule solution, le confier à un oncle en ville. Mais celui-ci refuse.

« Je suis en colère contre la terre la vie le monde, et le monde je jure je lui ferai la peau. La peau du monde je la tendrai dans un cadre, je la raclerai jusqu’à la dernière miette de sa chair et je l’exposerai devant chez moi pour qu’on sache ce qui se passe quand on me fait du mal. La peau du monde sera mon trophée, je la brandirai comme on brandit un crâne, je l’assècherai comme on sèche un coeur ce sera un lambeau, une squame une toile et sur cette toile je réécrirai quelque chose avec le sang de mes veines avec le sang de ma haine, la peau du monde ce sera mon vêtement. »

S’ensuit alors une errance au fil des souvenirs, de la nature, de la noirceur humaine. L’écriture happe, l’atmosphère se charge. Assurément Sandrine Collette sait y faire. On retrouve un peu du sel de son si terrible premier roman Des nœuds d’acier, avec un petit côté David Vann en sus, entre grands espaces et choix de vie ferrés à l’obscurité.

« Le chant des loups nous appelle parce que c’est notre chant et aussi loin qu’on puisse remonter il y a l’éclat d’un animal en nous, c’est pour ça que ça m’émeut et que des larmes viennent brûler le bas de mes yeux. Ce n’est pas du chagrin c’est une émotion profonde viscérale racinaire et ceux qui ne ressentent pas ça ils ont tout oublié, ce sont des gens déjà morts. »

Nous étions des loups
Sandrine Collette
Grasset
Rentrée Littéraire 2022
197 pages

2 commentaires sur “Nous étions des loups – Sandrine Collette (Grasset)”

  1. ^J’avais tenté de lire Et toujours les forêt mais ça avait l’air tellement noir et désespérant que je l’ai vite abandonné. Et pourtant, j’aime le noir…Celui à l’air moins plombant?

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