Plexiglas mon amour – Eric Chauvier (Allia)

Eric Chauvier est un auteur que je suis depuis longtemps. J’ai bien parcouru son œuvre.

Ce sociologue de formation produit régulièrement depuis plus d’une quinzaine d’années des petits opus qui sont comme des petits régals.

Il a exploré différents thèmes, abordés différentes question sociales avec des angles variables, mais il y a néanmoins dans ses livres une sorte d’invariant stylistique qui s’affirme et que nous allons essayer de mettre en évidence.

Mais de quoi en retourne-t-il dans ce Plexiglas mon amour ?

Eric alter-ego de l’auteur, se désole de trouver ses enfants avachis devant la télévision, et sa femme obsédée par l’hygiène alors que le lycée des uns est fermé et que les contraintes professionnelles de l’autre sont bouleversées par une épidémie sévissant à l’extérieur.

En homme flegmatique et pour fuir cette situation, notre personnage se rend à la pharmacie où il rencontre un ancien ami de fac reconverti dans le survivalisme.

Mu à certains moments par une forme de curiosité et à d’autres par un instinct d’évasion, il va se rapprocher de cette connaissance, alors que le monde devient de plus en plus fou et que la dystopie menace.

Malgré une mise en situation simple ce livre est loin d’être un objet naïf. La forme choisie par Chauvier est souvent celle du discours indirect libre. On a donc un texte vivant, mais très contraint, ce qui donne à l’ensemble la rigueur d’un rapport anthropologique au sein duquel peut s’épanouir un humour distancié (pince-sans-rire dirait l’auteur), des plus plaisant.

La pandémie évoquée n’est pas exactement la notre, les indications circonstancielles sont rares, mais en 150 pages les questions sont posées : Que nous-est il arrivé pour accepter ce que nous avons accepté de la sorte ? Quelles sont maintenant les limites qui restent avant l’entrée dans le totalitarisme et la dystopie ?

Et de la sorte Chauvier pose le problème de manière concise.

Le livre est par ailleurs souvent drôle voir très drôle :

« 

Killian passe en début de matinée avec un smartphone qui n’est pas le mien. J’ai le droit de passer un appel à un proche durant 90 secondes. Je suis ému. Il ne s’en rend pas compte. Je l’embrasserais si l’embrassade n’était pas devenue synonyme d’homicide volontaire.

»

Il est à noter que le passage cité peut être lu comme le rapport d’un discours prononcé ou comme un monologue intérieur.

Et tout le livre est à cette image, avec cette ambiguïté très littéraire qui est jubilatoire.

Les scènes, les sociotypes, et l’issue de l’intrigue questionnent en profondeur notre société, dans un esprit de dialectique sociologique salutaire.

Un bon Chauvier donc, dont je continuerai à suivre les explorations.

Plexiglas mon amour

Eric Chauvier

Editions Allia

150 pages

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