Plus de morts que de vivants – Guillaume Guéraud

« Tous craignaient peut-être le pire mais aucun ne pouvait concevoir avec quelle véhémence le pire allait soudain faucher la plupart d’entre eux. »

C’est la veille des vacances d’hiver. Dans ce collège marseillais, l’impatience étreint chacun des élèves qui franchi la grille. Ils ne se doutent pas que leur légèreté va bientôt les quitter, violemment supplantée par une horreur sans nom.
Dès le matin, certains ont le nez qui saigne, d’autres perdent des poignées de cheveux, des ongles, ou se grattent à force de démangeaisons. Des signes avant-coureurs d’un virus foudroyant qui vient de les toucher, et qui les fera tomber, très vite. Au fil de la journée, les élèves tombent, les uns après les autres, comme touchés par « la foudre » .

« Les délires, les inventions, les éclats de rire, tout ça disparut. D’un seul coup. En même temps que les hésitations, les incertitudes, les perplexités.
A 10 h 05, dans la cour, pour que tous puissent être sûrs de la gravité de la situation, pour que plus aucun doute ne soit permis, pour que les fondations de la peur s’imposent à chacun, la mort frappa l’un d’entre eux, sous leurs yeux, de façon injustifiable mais irréfutable, implacable et définitive. »

Je m’attendais à une histoire de morts-vivants, il n’en est rien. Un truc de petit joueur, les zombies finalement. Guillaume Guéraud va au-delà, il creuse davantage le noir, avec ce récit d’épidémie galopante et glaçante. Un scénario catastrophe aux petits oignons, avec un virus qui décime une population de collégiens à toute berzingue, où personne n’est épargné. Le virus attaque de façon aléatoire et l’auteur ne fait pas dans la dentelle, usant d’une imagination sans faille pour nous offrir un panel de morts toutes plus cradingues les unes que les autres. Un ventre explose, une gorge s’ouvre en deux, les os se brisent… Ça gicle et ça se répand. Quelques détails peu ragoûtants certes, mais qui raviront les amateurs du genre.

« Il était pieds nus. Personne ne l’avait vu ôter ses chaussures mais tout le monde le découvrit pieds nus sur le béton frigorifié de la cour, dans la partie proche du réfectoire, à l’angle du terrain de handball. Debout. Silencieux. Les cheveux dans les yeux. Sa peau aussi pâle que des cendres froides. Les veines de son cou comme des anguilles vertes. De la mousse au coin des lèvres. Des larmes sur les joues. Silencieux mais des cris dans tous les membres. Comme si un marionnettiste survolté le secouait en agitant des fils invisibles. Larmes et morve se mélangeant. Puis soudain immobile. Tanguant doucement. Bizarrement. Ses larmes qui roulaient. Sa bave qui coulait en engluant le sol. »

C’est cru mais pas complaisant. Il y a des morts à la pelle mais il y a aussi tout autre chose dans ce roman, qui reste un texte qui s’adresse aux ados, avec leurs codes et leur système de pensée. On intègre ainsi la vie du collège, avec les classes, le cours d’anglais, les bandes, les bons élèves et ceux qui jouent les gros durs. Et au fil des morts, les groupes bougent, les élèves se rassemblent ou se fuient. Guillaume Guéraud s’attache à la peur, de la mort, de la perte de l’être aimé, les sentiments contradictoires, les humeurs qui se bousculent.

L’hyper-réalisme de la situation fait froid dans le dos. Nous ne pouvons pas nous raccrocher aux éléments extraordinaires d’un univers apocalyptique fantastique, nous sommes aux prises d’un huis-clos terrifiant. L’écriture de Guillaume Guéraud est entière, tranchante, les mots ont du poids, et l’on trouve même une étincelle de poésie, noire, un certain romantisme dans l’expression.

Un excellent roman qui se lit d’une traite, stupéfiant et angoissant à souhait. Du bien noir et bien gore pour les ados et plus si affinités.

A conseiller aux amateurs de zombies et séries Z.
Ados frileux et hypocondriaques, passez votre chemin…

Plus de morts que de vivants / Guillaume Guéraud. Le Rouergue (DoAdo Noir), 2015

« Rien ne les différenciait désormais. Maigres ou costauds, jeunes ou vieux, filles ou garçons. Tous égaux devant la mort. Les plus vaillants ne pesaient pas plus lourd que les autres. La mort se foutait aussi bien de leur poids que de leur taille. La mort se foutait même de savoir qu’elle était beaucoup trop prématurée pour eux. La mort les englobait tous sans distinction. À croire que tout être vivant en valait finalement un autre. »

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