« Vierges elles étaient, ce matin, lorsque se levait l’aurore, mais ce soir leur perte est consommée, et demain elles se trouveront dans le dédale de la prostitution de Londres. »
En 1885, le rédacteur en chef de la Pall Mall Gazette, William Thomas Stead, publie en 4 épisodes The maiden tribute to modern Babylon (Le tribut des vierges de la moderne Babylone), soit le résultat des investigations qu’il a menées au sujet du trafic de vierges dans l’Angleterre victorienne.
La majorité sexuelle est alors fixée à l’âge de 13 ans. Une aubaine pour la classe bourgeoise avide de consommer sans rougir de jeunes filles à peine réglées. Mais la vraie question soulevée dans ce texte n’est pas tant la prostitution de femmes très jeunes, mais les recours des mères maquerelles pour fournir à ces messieurs suffisamment de chair fraîche.
Car si la loi permet aux jeunes filles de disposer leur corps très tôt, les candidates ne se bousculent pour autant pas aux portes des lupanars. La duperie est donc familière, des annonces proposant des places de bonnes d’enfants n’étant que prétexte à recruter de jeunes filles en recherche d’emploi, qui exerceront finalement sur le trottoir, ne sachant évidemment pas ce que « monter avec un monsieur » signifie…
« Personne ne croira son histoire, car lorsqu’une femme a été flétrie, par fraude ou de force, son témoignage sous la foi du serment ne pèse rien dans la balance contre le plus petit mot de l’homme qui a commis le crime. »
William Thomas Stead et ses collaborateurs ont infiltré les milieux de cette prostitution infantile, livrant ainsi de nombreux détails sur les pratiques, les tromperies, les feintes, évoquant les négociations, les intermédiaires, les certificats de virginité délivrés par des sages-femmes.
« Le peuple se figure que les maisons de prostitution se remplissent seules. C’est une erreur. Leur recrutement est fait avec autant de zèle que celui de l’armée de Sa Majesté, laquelle en constitue peut-être la meilleure clientèle. »
La publication a connu un succès retentissant à l’époque et a du même coup fait scandale. Des informations gênantes qui ont valu 3 mois de prison à William T. Stead, et incité le gouvernement anglais à porter l’âge de la majorité sexuelle à l’âge de 16 ans.
Le livre proposé aujourd’hui par les éditions Alma est la traduction française du texte éditée en 1885 par les éditions Dentu. La publication de Stead est très instructive tant sur le fond que sur la forme, les pratiques langagières et les expressions morales par exemple illustrant bien les mœurs de l’époque.
La postface est signée par Dominique Kalifa, historien et universitaire à la Sorbonne. Ce livre appartenant à une collection Essai – Histoire, je m’attendais à davantage de commentaires de la part de cet historien (rappeler le taux monétaire de l’époque par exemple). Le texte livré ainsi, de façon très brute, prend finalement une teinte racoleuse (sans mauvais jeu de mots).
Le texte de Stead fait office de témoignage, certes, mais présenté sous la houlette d’un historien spécialiste du crime et de ses représentations au 19è siècle, il aurait pu s’épaissir de quelques notes supplémentaires…
Une lecture tout de même fort intéressante et enrichissante, à conseiller notamment aux amateurs de l’époque victorienne.
Pucelles à vendre – Londres 1885 : Le scandale qui ébranla la société victorienne / William Thomas Stead. Alma éditeur (Essai Histoire). 2013. 294 p.
Lu dans le cadre de l’opération Masse Critique. Merci à Babelio et aux éditions Alma pour cette lecture.
Triste époque 🙁 Un livre intéressant pour un auteur qui cherche à retrouver le réalisme de l’époque victorienne, merci pour l’info.
On ne peut plus réaliste oui puisqu’écrit à l’époque. Un sujet certes pas très gai mais passionnant !