« Aujourd’hui encore, je ne sais pas pourquoi je suis monté dans cette voiture. Sans doute parce qu’un autre que moi en avait décidé ainsi. Je sais juste que la portière s’est ouverte, la portière s’est refermée. Entre les deux, j’ai eu le temps de m’asseoir et de boucler ma ceinture. »
Un emploi consistant à distribuer des publicités dans les boîtes aux lettres… pas franchement tripant, ni pour le compositeur qui a tout perdu à commencer par l’inspiration, ni pour celui qui a tendance à collectionner ce genre de job. La perspective tentante, forcément, de se débarrasser incognito de ses piles de papiers aux promos alléchantes, de les planquer dans une poubelle l’air de rien ou mieux, d’en faire de la chair à brasier. Une allumette craquée un peu trop vite, juste pour rire, ou comment se retrouver à tailler la route sans d’autre but que de serrer les fesses pour ne pas se faire repérer.
Entre l’un qui est incapable de prendre des décisions et l’autre qui fonce et réfléchit après coup (quoique), les kilomètres s’enchaînent et les dommages collatéraux s’accumulent.
« Déclencher un incendie, je n’avais jamais fait. Agresser un motard, non plus. Provoquer un accident de voiture, encore moins. La course-poursuite avec la maréchaussée, en toute logique, était elle aussi une première. Je découvrais un monde, celui de la route, où tout devenait possible. On prenait le volant et tout pouvait commencer. J’étais en train de comprendre ce grand sentiment de liberté qui suintait des road movies américains. Carell et moi, on était Peter Fonda, Dennis Hopper, James Taylor, Warren Oates, Robert Blake, Barry Newman : les aigles du bitume, les seigneurs de la ligne discontinue, les princes du pot d’échappement. »
4000 bornes qui défilent à toute berzingue et en musique (de Chopin à Johnny Hallyday, oui fallait y penser), avec des cow-boys en mode France profonde qui pourraient presque faire passer les départementales de Corrèze pour la route 66.
Sébastien Gendron se joue des bonnes manières et s’il cultive la dérision au risque parfois d’être un peu lourd, il sauve la mise avec une écriture incisive et un sens du dialogue savoureux au service de situations complètement surréalistes et loufoques. On pouffe de rire devant l’abracadabrantesque et ce duo tragi-comique qui n’est pas sans rappeler certains grands duos du cinéma français.
Un roman dans la lignée de son titre, bidonnant et viscéral.
Road tripes – Sébastien Gendron. Albin Michel. 2013. 282 pages
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