Asta – Jon Kalman Stefansson (Grasset) #MRL18

« N’est-ce pas la plus agréable sensation au monde ? Avoir hâte. Surtout quand il s’agit de retrouver une personne qui vous est chère. Alors, on se sent vivant.
On est vivant.
Puis il se passe quelque chose. »

Alors que Sigaldi vient de tomber de l’échelle, ses souvenirs remontent. On apprend sa rencontre avec Helga dans les années 50, leurs filles, l’Islande. Progressivement, les épisodes s’imbriquent, se mêlent à l’histoire d’Asta, et l’on prend la mesure des passions, des prises de bec, des tempéraments volcaniques.

Il y a quelque chose d’assez sidérant dans l’écriture de Jon Kalman Stefansson, dans sa capacité à exprimer les choses. Une simplicité un peu rêche et des phrases posées comme une évidence, qui saisissent parfaitement les scènes, et une impression de flottement, qui nous fait lâcher prise et en même temps nous situe parfaitement. Il y a beaucoup de poésie, de mélancolie, de sensualité. Le récit n’est pas linéaire mais comme guidé par les sentiments des protagonistes, avec un art de la formulation délectable. La traduction d’Eric Boury est d’ailleurs très pointue, brillante et littéralement bluffante.

Par cette histoire de famille aux allures de saga, l’auteur creuse les thèmes majeurs, la vie, l’amour, la mort, et comme ils sont portés, par les quêtes personnelles, la filiation, le temps qui passe, les actes manqués. Stefansson arrive à saisir l’éphémère, le basculement et les sentiments qui s’y rattachent. Il s’attache aussi de façon étonnante aux corps, comme ils réagissent aux événements.

Et puis l’Islande, bien sûr, le cœur de ce roman, qui a fait de ces personnages ce qu’ils sont. En filigrane, on apprend beaucoup de choses sur le pays, son évolution entre tradition et modernité, son ouverture sur le monde, sa raideur persistante et ses paysages à couper le souffle.

Gros coup de cœur pour ce roman absolument sublime. Vraiment un grand moment de littérature.

C’était un tel plaisir de sortir de ma zone de confort de la sorte, qu’une prochaine étape islandaise ne pourra s’envisager sans la fameuse trilogie de l’auteur.

« Le temps efface tout. C’est une loi implacable. Il t’effacera aussi. Tes soixante, soixante-dix, quatre-vingts années passées sur terre seront effacées, dissipées comme un malentendu. Avons-nous un autre but dans la vie que celui de naître, de tousser deux ou trois fois, puis de mourir ? Quant à la vie elle-même, elle qui nous semble si vaste et puissante qu’elle soutient le ciel, n’est-elle pas en fin de compte qu’une souris qui traverse la cuisine un jour au mois d’octobre avant de disparaître à jamais ? C’est une pensée revigorante, tu ne trouves pas, s’enquiert le poète. Qui pose sur la table une bouteille de vodka d’un geste résolu. »

Asta
Jon Kalman Stefansson
Grasset
2018
490 pages

Lu dans le cadre des Matchs de la rentrée littéraire, en partenariat avec Rakuten, Grasset et Moka

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