A vrai dire, je n’étais pas particulièrement partie pour le lire celui-ci. Au premier abord, une histoire qui sent le déjà vu à plein nez, dans le registre des tueurs en série j’entends.. Un enfant tue sa mère à 10 ans, se retrouve en hôpital psychiatrique dans la foulée, s’en échappe à 25 ans. S’en suit une traque à travers l’Amérique parsemée de cadavres de femmes mutilés…
C’est un sujet que j’aime lire mais qui me lasse et m’agace par ses redites.Et puis en me penchant par hasard dessus, je remarque que ce livre a initialement été publié en 79… c’est-à-dire bien avant toute cette vague de romans et films sur le sujet… ça devient intéressant.Dès les premières pages, autant dire que je me suis laissée piéger sans sourciller.
L’Amérique des années 60. En toile de fond, l’affaire Caryl Chessman. Déclaré coupable de vol, de viol et d’enlèvement, arrêté en 1948 et finalement exécuté en 1960 après moult reports. (en savoir plus : CLIC).
Thomas Bishop a passé une bonne partie de sa vie en hôpital psychiatrique. Fils de Harry Owens et Sarah Bishop, son père se fait rapidement tuer dans un braquage qui tourne mal, et Thomas est alors élevé par sa mère. Une mère qui exerce une violence tant physique que psychologique, face à ce gamin dont elle est persuadée que son vrai père est en réalité le bandit à la lanterne rouge, Caryl Chessman. Car Sarah Bishop s’est effectivement fait violer, à l’époque même où le dit Caryl Chessman exerçait ses sinistres loisirs. Mais elle n’a pas porté plainte à l’époque, s’est mariée sans conviction, a élevé son enfant comme elle pouvait, gagnée par une haine sournoise contre les hommes, qui se transformera avec le temps en haine contre les femmes pour son fils.
A 10 ans, il la pousse dans le poêle à bois. L’éventualité de l’accident domestique n’est évidemment pas retenue, et le petit Thomas est envoyé en structure psychiatrique pour enfants meurtriers. A 25 ans, à force de réflexion, d’audace et d’une intelligence froide et manipulatrice, Thomas Bishop parvient à s’échapper. Une liberté enfin retrouvée pour cet homme observateur et calculateur, charmeur devant des femmes qui ne seront bientôt que des pièces détachées.
Poursuivit par la police mais aussi recherché par la pègre, l’affaire est suivie de près par la presse n’hésitant pas à faire feu de tout détail pour ce feuilleton tragique qui fera vendre toujours plus.
Le sujet sert également la cause des politiques qui comptent bien relancer le débat sur la peine de mort pour rassembler des voix et pourquoi pas briguer quelques postes.
Sans compter ce professeur de criminologie, dans les starting block pour sortir la première biographie de ce nouveau tueur en série.
Ainsi, progressivement, une galerie de personnages se tisse, reliés entre eux par un Thomas Bishop parsemant sur le territoire des dizaines de corps assassinés et mutilés, maquillant l’Amérique en toile d’araignée suffocante.
Les enquêtes de police sont retracées à la lettre, ainsi que les avancées de Adam Kenton, journaliste aux allures de profiler et au flair redoutable.
Vous l’aurez compris, Shane Stevens nous embarque sans détour dans la quête sanglante de Thomas Bishop. Un sens du détail exacerbé, qui énervera certains d’entre vous, mais raviront les amateurs du genre. Une foule de détails, une description riche et fouillée, mais pas contemplative.
Alors oui, peut-être quelques longueurs, des personnages sans doute un peu trop manichéens parfois mais sans être plus gênant que ça.
Autant Avant d’aller dormir de S.J. Watson m’avait gonflée au possible avec ses 400 pages d’amnésie qui me tapaient sur le système. Ici les 760 pages se déroulent de façon limpide.
Petit point noir cependant, le découpage du livre pas toujours très clair, visuellement parlant. Quelques interlignes de plus n’auraient pas été du luxe.
Finalement, j’ai eu une incroyable impression de lire du Stephen King version polar. Et c’était très plaisant. Un décor où chaque pièce a sa place et son rôle précis. La volonté de l’auteur de partager sa vision, la déambulation de son histoire, comme une impression de tirer le fil rouge avec lui, et d’étendre la toile de Thomas Bishop sur une Amérique assez peu glorieuse.
Bon coup de coeur de l’été. Un roman certes pas super original mais bien construit, une descente vertigineuse dans l’esprit d’un tueur à la folie glaçante. Un personnage très sombre, un final plutôt prévisible mais bien mené et toutefois assez surprenant.
Au-delà du mal / Shane Stevens. Sonatine. 2009
Challenge Thrillers et polars chez Liliba (3/12)
Tu peux mettre celui-ci dans le challenge…
Wouahou, tu dépotes sec en commentaires ! 😉
Je te donnerai la liste des liens.
Plutôt d’accord pour la comparaison avec Stephen King… J’ai gardé de ce livre le souvenir d’un polar très violent mais haletant et captivant.