Huis clos balèze et bien senti en pleine tempête climatique et individuelle
Alaska. Une tempête s’apprête à faire fureur. Les quelques habitants du bled où nous propulse l’autrice se préparent à se calfeutrer durant plusieurs jours. C’est aussi à ce moment-là que Bess, à l’extérieur, refait ses lacets et perd de vue le garçon de 10 ans qui l’accompagnait. Ainsi s’ouvre ce roman choral où nous allons suivre Bess, Benedikt, Cole, Freeman. Et nous allons faire connaissance avec eux, les suivre dans ce huis clos en pleine nature, à la manière d’un thriller, et remonter un peu le fil de leurs vies, ce qui les a menés là.
« Je l’ai perdu. J’ai lâché sa main pour refaire mes lacets et je l’ai perdu. Je sentais mon pied flotter dans ma chaussure, je n’allais pas tarder à déchausser et ce n’était pas le moment de tomber. Saleté de lacets. J’aurais pourtant juré que j’avais fait un double nœud avant de sortir. Si Benedict était là, il me dirait que je ne suis pas suffisamment attentive, il me signifierait encore que je ne fais pas les choses comme il faut, à sa manière. Il n’y a qu’une seule manière de faire, à l’entendre. C’est drôle. Des manières de faire, il y en a autant que d’individus sur terre, mais ça doit le rassurer de penser qu’il sait. Peu importe, j’ai lâché sa main combien de temps ? Une minute ? Peut-être deux ? Quand je me suis relevée, il n’était plus là. J’ai tendu les bras autour de moi pour essayer de le toucher, je l’ai appelé, j’ai crié autant que j’ai pu, mais seul le souffle du vent m’a répondu. J’avais déjà de la neige plein la bouche et la tête qui tournait. Je l’ai perdu et je ne pourrai jamais rentrer. »
Un roman très adroit dans lequel Marie Vingtras distille les informations avec parcimonie, elle ne fait pas dans le bouquet final, au contraire, elle tisse son roman parfaitement. Un thriller efficace, puissant, huis clos en pleine nature qui se mue en portraits de vie, destins contrariés qui imposent des gestes ou en fuir d’autres. On accompagne, on a la frousse, il y a une forme de colère aussi, d’incompréhension, et lorsque l’on referme le livre, qui est finalement assez court, on a vraiment l’impression d’avoir passé un moment intense à leurs côtés.
« Mais, quelle que soit la technologie utilisée, l’homme trouvera toujours un moyen inédit de blesser, de trancher, d’amputer ses frères à n’en plus finir, c’est dans sa nature. »
Blizzard
Marie Vingtras
Editions de l’Olivier
2021
181 pages
J’ai beaucoup aimé également !
Bonsoir, pour un premier roman, c’est une réussite. Mme Vingtras a un grand sens de la narration et puis j’ai aimé le fait qu’il y ait quatre narrateurs. Bonne fin d’après-midi.