Ce qu’il ne faudrait pas rater de cette rentrée 2016

A chaque rentrée littéraire, le même jeu se met en place, des piles et des piles de romans prennent d’assaut les librairies, et chacun dévoile ses attentes, guette ses préférences. On peut considérer ça comme une petite fête ou comme une mascarade, au choix, toujours est-il qu’il n’est pas toujours facile de se repérer si l’on veut aller au delà des titres proposés en tête de gondole.

Alors voici une petite sélection de ce qu’il ne faudrait pas rater de cette rentrée 2016, en toute subjectivité, ou en tout cas qu’il serait bien dommage de laisser filer. Il y en a plein d’autres bien sûr, des plus connus, moins inaperçus, poussez les portes des librairies et sollicitez les coups de cœurs de leurs hôtes… En attendant, furetez, piochez, j’espère que vous ressentirez quelques tentations.

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Les vies de papier / Rabih Alameddine. Les Escales

Aaliya Saleh, 72 ans, les cheveux bleus, a toujours refusé les carcans imposés par la société libanaise. À l’ombre des murs anciens de son appartement, elle s’apprête pour son rituel préféré. Chaque année, le 1er janvier, après avoir allumé deux bougies pour Walter Benjamin, cette femme irrévérencieuse et un brin obsessionnelle commence à traduire en arabe l’une des oeuvres de ses romanciers préférés : Kafka, Pessoa ou Nabokov.
À la fois refuge et « plaisir aveugle », la littérature est l’air qu’elle respire, celui qui la fait vibrer comme cet opus de Chopin qu’elle ne cesse d’écouter. C’est entourée de livres, de cartons remplis de papiers, de feuilles volantes de ses traductions qu’Aaliya se sent vivante.
Cheminant dans les rues, Aaliya se souvient; de l’odeur de sa librairie, des conversations avec son amie Hannah, de ses lectures à la lueur de la bougie tandis que la guerre faisait rage, de la ville en feu, de l’imprévisibilité de Beyrouth.
Roman éblouissant à l’érudition joueuse, célébrant la beauté et la détresse de Beyrouth, Les vies de papier est une véritable déclaration d’amour à la littérature.

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Baby spot / Isabel Alba. La Contre-Allée

« Avec les films c’ est plus facile, parce que quand les images t’ envahissent et que t’ arrives pas à les effacer, tu peux te consoler en te disant que, comme dans les cauchemars, tout est faux, que rien de ce que tu vois dans ta tête n’ est vrai et que bientôt tout va disparaître pour toujours. Mais ce qui est arrivé au Zurdo, et aussi à Lucas, je sais que c’ est arrivé pour de vrai, voilà pourquoi ça ne sort jamais complètement de ma tête. C’ est pour ça que je veux écrire, pour voir si j’ arrive à faire sortir toute cette histoire et à la laisser pour toujours sur le papier. »

Tomás, un garçon de douze ans, vit dans une banlieue de Madrid. Un soir d’ août, son ami Lucas est retrouvé pendu à une poutre, sur un chantier abandonné.
Tomás se met alors à écrire. Son récit prend l’ apparence d’ un roman noir.

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Un bon écrivain est un écrivain mort / Guillaume Chérel. Mirobole

Un journaliste doit animer une conférence littéraire à Saorge, un ancien monastère franciscain transformé en résidence d’auteurs. Seront là Michel Ouzbek, Christine Légo, Amélie Latombe, Delphine Végane, Frédéric Belvédère… Une dizaine d’écrivains connus, plus quelques auteurs régionaux. Le tortillard est arrivé à l’heure, comme prévu. Tout était prévu, en fait : la rencontre devant un public ravi de voir des écrivains de best-sellers, le déroulé du débat sur la « véracité dans l’art d’écrire », le cocktail dînatoire puis la séance de dédicaces.
Mais rien ne s’est passé selon le programme.
Une fois au monastère, l’histoire a dérapé.
Les écrivains connus ont disparu, les uns après les autres.
C’est bien connu, un bon écrivain est un écrivain mort.

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Le zeppelin / Fanny Chiarello. Editions de l’Olivier

Cet été-là, la lumière est si crue qu’elle rend tout incandescent. La Maison, car tel est son nom, est une ville banale de province, une image d’Épinal. Ou presque. Il est impossible de ne pas évoquer le canal qui la traverse et dans lequel les habitants ont la curieuse manie de jeter tout ce qui leur est cher. Y compris des proches. Peut-être est-ce dû à l’ennui insondable qui semble s’être emparé d’eux.
Le passage d’un zeppelin va enfin briser leur quotidien et leurs insignifiantes activités. Car l’ombre qu’il porte au-dessus de leurs têtes entraîne les réactions les plus inattendues et les plus folles, entre panique et dévotion.
L’auteur épingle douze de ces habitants : douze personnages dont les récits, à la fois corrosifs, loufoques, émouvants, inventent un monde farfelu à la Brautigan.

 =

Quand nous étions des ombres / Mikaël Hirsch. Intervalles

François Sauval est un capitaine d’industrie et un aventurier qui accumule les records dans l’espoir de marquer son époque. Il fait venir auprès de lui un écrivain pour bâtir sa légende, avant de relever un ultime défi : acquérir un territoire pour y fonder un État.
Chassée de chez elle voilà des siècles et s’amenuisant aux confins de l’Amérique centrale, la tribu des Charahuales semble condamnée à disparaître avec sa langue ancienne et sa culture. Son destin croise celui d’une jeune linguiste française convaincue de l’influence des noms sur les choses.
Tous craignent d’être oubliés, mais laissent le soin à des tiers de décrire leur trajectoire, comme s’il était impossible de raconter sa propre destinée sans en précipiter la fin.
À la croisée des mythologies anciennes et des péripéties du monde contemporain, Quand nous étions des ombres est un roman endiablé sur l’effacement de soi et la volonté de puissance.

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Le garçon / Marcus Malte. Zulma

Il n’a pas de nom. Il ne parle pas. Le garçon est un être quasi sauvage, né dans une contrée aride du sud de la France. Du monde, il ne connaît que sa mère et les alentours de leur cabane. Nous sommes en 1908 quand il se met en chemin – d’instinct. Alors commence la rencontre avec les hommes : les habitants d’un hameau perdu, Brabek l’ogre des Carpates, philosophe et lutteur de foire, l’amour combien charnel avec Emma, mélomane lumineuse, à la fois sœur, amante, mère. « C’est un temps où le garçon commence à entrevoir de quoi pourrait bien être, hélas, constituée l’existence : nombre de ravages et quelques ravissements. » Puis la guerre, l’effroyable carnage, paroxysme de la folie des hommes et de ce que l’on nomme la civilisation. Itinéraire d’une âme neuve qui s’éveille à la conscience au gré du hasard et de quelques nécessités, ponctué des petits et grands soubresauts de l’Histoire, le Garçon est à sa façon singulière, radicale, drôle, grave, l’immense roman de l’épreuve du monde. Marcus Malte est né en 1967 à la Seyne-sur-Mer. Il est l’auteur de plusieurs romans et recueils de nouvelles dont Garden of Love (récompensé par une dizaine de prix littéraires, notamment le Grand Prix des lectrices de Elle, catégorie policier) et, plus récemment, les Harmoniques.

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Voici venir les rêveurs / Imbolo Mbue. Belfond

Drôle et poignante, l’histoire d’une famille camerounaise émigrée à New York. Porté par une écriture à la fraîcheur et à l’énergie exceptionnelles, un roman plein de générosité, d’empathie et de chaleur sur le choc des cultures, les désenchantements de l’exil et les mirages de l’intégration. Un pur joyau, par une des nouvelles voix afropolitaines les plus excitantes du moment.
L’Amérique, Jende Jonga en a rêvé. Pour lui, pour son épouse Neni et pour leur fils Liomi. Quitter le Cameroun, changer de vie, devenir quelqu’un. Obtenir la Green Card, devenir de vrais Américains.
Ce rêve, Jende le touche du doigt en décrochant un job inespéré : chauffeur pour Clark Edwards, riche banquier chez Lehman Brothers.
Au fil des trajets, le clandestin de Harlem et le big boss qui partage son temps entre l’Upper East Side et les Hamptons vont nouer une complicité faite de pudeur et de non-dits.
Mais nous sommes en 2007, la crise des subprimes vient d’éclater. Jende l’ignore encore : en Amérique, il n’y a guère de place pour les rêveurs…

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Jeux de vilains / Iben Mondrup. Denoël

Godhavn est une petite ville sur l’île de Disko, située à l’ouest du Groenland. C’est là que s’est installée une famille danoise avec trois enfants qui, chacun à leur manière, tentent de trouver leur place dans cette petite communauté du bout du monde, où cohabitent trappeurs, pêcheurs et chiens de traîneaux faméliques. L’environnement hostile et le climat particulièrement rude ne facilitent pas leur intégration. Il y a Bj(…)rk la fille cadette, capricieuse, égoïste et solitaire, Knut le garçon vulnérable et sensible, et leur grande soeur Hilde, la prunelle des yeux de leur père. Celle-ci tombe amoureuse de Johannes, un garçon de l’île, sauvage et imprévisible. Johannes se lie d’amitié avec la famille, et se retrouve au coeur d’événements violents et inattendus.
Iben Mondrup se penche sur la vie secrète des enfants, dont elle dévoile avec poésie, force et émotion les secrets les mieux gardés et les désirs les plus inavouables.

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Les petites chaises rouges / Edna O’Brien. Sabine Wespieser

Dès qu’il franchit le seuil de l’unique pub ouvert dans ce trou perdu d’Irlande, l’étranger suscite la fascination. Vladimir Dragan est originaire du Monténégro. Il entend s’établir comme guérisseur. On lui trouve un logement, un cabinet médical, et sa première cliente, une des quatre nonnes du lieu, sort de sa séance totalement régénérée. Rien d’étonnant à ce que Fidelma, très belle et mariée à un homme bien plus âgé qu’elle, tombe sous le charme.
L’idylle s’interrompt quand Dragan est arrêté. Recherché par toutes les polices, il a vécu à Cloonoila sous un faux nom. Inculpé pour génocide, nettoyage ethnique, massacres, tortures, il est emmené à La Haye, où il rendra compte de ses crimes. Le titre choisi par Edna O’Brien s’éclaire alors, ainsi que l’introduction rappelant que 11541 petites chaises rouges avaient été installées à Sarajevo en 2012 pour commémorer la mémoire des victimes du siège.
Le vrai sujet de cet extraordinaire roman n’est pourtant pas la guerre civile de Bosnie, ni la figure de Radovan Karadzic, dont il s’inspire. Avec une infinie tendresse et une infinie compassion, la grande romancière irlandaise se penche sur le destin d’une femme ordinaire, que sa naïveté a rendue audacieuse, et dont l’existence a été ravagée pour avoir vécu, sans savoir à qui elle avait affaire, une brève histoire d’amour avec l’un des monstres les plus sanguinaires du XXe siècle.
Après l’arrestation de Vlad, il est impossible pour Fidelma de rester en Irlande. Réfugiée à Londres, dans le monde souterrain des laissés-pour-compte, elle vit de petits boulots, hantée par une honte indépassable, et par la terreur.
La prose d’Edna O’Brien est éblouissante : comme dans la vie, passant de la romance à l’horreur, d’un lyrisme tremblé au réalisme le plus cru, de la beauté au sentiment d’effroi le plus profond, elle nous donne, avec ce roman de la culpabilité et de la déchéance d’une femme, son absolu chef-d’oeuvre.

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Les parisiens / Olivier Py. Actes Sud

Jeune provincial avide de réussite et de plaisirs, Aurélien se lance à l’assaut de Paris, et de la grande aventure du Théâtre. Beau, désinvolte, insolent, il fait la conquête d’un éminent chef d’orchestre, séduit une vieille faiseuse de carrières, pince les fesses d’un ministre et charme un cacochyme empereur des médias. Dans les salons, les fêtes mondaines et les back-rooms où se mettent à nu les édiles culturels, où les prétendants aux nominations se déchirent, où l’on conspire à l’envi et profane les réputations, Aurélien est le nouveau talent qu’on rêve d’étreindre comme une jeune proie – et qui, sûrement, saura se montrer prodigue.
Mais ses vraies amours sont ailleurs. Iris, Serena, Kamel, Gloria, Ulrika…, reines transgenres et faune de la nuit, qui prennent d’assaut Pôle Emploi et ourdissent une décisive révolte des putes. Et surtout Lucas, enfant trop mal aimé, poète magnifique mais inaccompli qui cherche avec humilité et désespoir une raison d’être au monde, de vivre encore, de croire…
Tour à tour féroce et fervente, orgiaque et lyrique, dérisoire et grandiose, cette nef des intrigants, des saints et des prostitué(e)s tangue puissamment entre rire et douleur, sonde les coeurs et les reins d’un parisianisme méphitique et narcissique, nourri d’illusions balzaciennes et ivre d’incarner cette Ville Lumière, sur laquelle flotte comme un drapeau – sans cesse brandi, vénéré et lacéré – le suaire d’un Art salvateur.

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Beckomberga / Sara Stridsberg. Gallimard

En 1995, Beckomberga ferme ses portes. Ouvert en 1932 dans la campagne près de Stockholm, il devait être « une nouvelle sorte d’hôpital psychiatrique, un nouveau monde où personne ne serait laissé pour compte, où l’ordre et le souci de l’autre seraient de mise », où les fous allaient « enfin être libérés et sortir dans la lumière ».
Beckomberga a marqué l’adolescence de Jackie, l’héroïne de ce roman : c’est là qu’elle a rendu de nombreuses visites à son père, Jim, au « château des Toqués ». En dépit de son amour pour Lone, la mère de Jackie, en dépit de l’existence même de Jackie, cet homme n’a cessé d’affirmer son mal de vivre.
Beckomberga : Ode à ma famille est le roman d’un amour passionné, celui d’une jeune femme pour son père, personnage chancelant mais charismatique, et celui qu’elle éprouvera pour son propre fils, Marion, dont l’apparition constituera un rempart contre la folie familiale.
Sara Stridsberg retrace deux odyssées palpitantes : celle du rêve qu’a incarné Beckomberga et celle d’une famille, somme toute ordinaire, qui s’aime, se déchire, se retrouve.
L’auteure, qui va et vient dans le temps, bâtit une narration magnétique, faite d’éclats de voix : celle de Jackie, de ses souvenirs, de ses rencontres, mais aussi de documents d’archives. Avec une tendresse infinie pour ses personnages, Sara Stridsberg livre ici un grand roman sur la folie, dans une langue sublime.

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Le verger de marbre / Alex Taylor. Gallmeister

En plein Kentucky rural, la Gasping River déploie son cours au milieu des falaises de calcaire et des collines couvertes de champs de maïs et de soja. Un soir où il remplace son père, qui conduit le ferry parcourant la rivière dans les deux sens, le jeune Beam Sheetmire tue un passager qui tente de le dévaliser. Mais sa victime est le fils de Loat Duncan, puissant homme d’affaires local et assassin sans pitié. Toujours accompagné de ses chiens menaçants, Loat est lui-même porteur d’un lourd secret concernant le passé de Beam. Aidé par son père, le jeune homme prend la fuite, tandis que Loat et Elvis, le shérif, se lancent à ses trousses.
Le Verger de marbre est un thriller littéraire à la prose incandescente dans la veine des grands textes sudistes de Cormac McCarthy ou Daniel Woodrell. Ce premier roman hypnotique est une inoubliable descente au coeur des ténèbres.
[Chronique à venir]

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F / Antonio Xerxénesky. Asphalte

À vingt-cinq ans, avec un passé de guérillera et une carrière de tueuse à gages, Ana a tout vu : décapitations, chutes mortelles, exécutions par balle… Mais elle n’a jamais vu Citizen Kane, considéré comme le plus grand film de tous les temps.
Quand son commanditaire habituel lui désigne Orson Welles comme cible, Ana prend conscience de ses lacunes cinématographiques et entreprend, pour préparer cet assassinat, de découvrir la filmographie de sa prochaine victime.
De Paris à Los Angeles en passant par Rio, Ana développe une obsession pour le réalisateur, jusqu’à le rencontrer et travailler pour lui. Mais autour d’Orson Welles, fiction et réalité, vérités et mensonges finissent toujours par s’entremêler
Après Avaler du sable, Antônio Xerxenesky confirme son originalité dans le paysage littéraire brésilien et son goût pour la pop-culture. Roman palpitant mené par une héroïne attachante malgré son passé trouble, F est une véritable déclaration d’amour au cinéma – à tous les cinémas.
[Chronique à venir]

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Guide de survie pour le voyageur du temps amateur / Charles Yu. Aux Forges de Vulcain (22 sept.)

Mon nom est Charles Yu. Je suis un réparateur de machines à voyager dans le temps.
Dans moins d’une minute, mon moi du passé va essayer d’assassiner mon moi du présent, qui, dans le passé, a déjà essayé d’assassiner mon moi du présent, qui, en fait, à l’époque, était mon moi du futur, qui est en fait mon moi actuel.
Pour en savoir plus, lisez la chronique d’Un papillon dans la lune

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Anguille sous roche / Ali Zamir. Le Tripode

Quelque part dans l’océan Indien, une jeune femme se noie. Ses forces l’abandonnent mais sa pensée, tel un animal sur le point de mourir, se cambre : dans un ultime sursaut de vie et de révolte, la naufragée nous entraîne dans le récit de sa vie…
Roman aussi étourdissant qu’envoûtant, qui n’est pas sans rappeler L’Art de la joie de Goliarda Sapienza par la beauté de son héroïne et la force de sa langue, Anguille sous roche est un miracle littéraire.
[Chronique vidéo à voir ICI]

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