Simon voit sa vie tranquille basculer lorsqu’il plonge ses yeux dans ceux d’Emilie. Il était loin d’imaginer qu’il se retrouverait en un claquement de doigts enfermé dans un hangar paumé en rase campagne.
Emilie a subit un accident de voiture 4 ans plus tôt, un pépin qui lui a coûté une jambe, un moindre mal pourrait-on penser au vu de la tournure tragique qu’aurait pu prendre cette journée. Elle a progressivement appris à adapter son quotidien et repris son emploi d’infirmière, avant de changer de cap et d’horizon. Car les failles persistent, le mal la ronge, la colère devient brûlante, à tel point qu’il ne lui est plus possible de ne pas agir pour que ça cesse.
« Elle possédait désormais un superpouvoir : détecter, derrière le séisme, la tectonique des plaques destructrice qui façonnait et broyait sa vie. »
Marin Ledun fait littéralement entrer en collision un homme et une femme dans son roman, avec cette femme qui enlève un homme, un passé commun que l’on apprend très progressivement, mais qui est finalement surtout prétexte à évoquer la solitude et la noirceur qui peut s’abattre sur quiconque, en espérant que les moyens d’y remédier ne soient pas toujours aussi radicaux.
L’auteur a pour habitude de soulever des questions de fond dans lesquelles il gratte les couches noires de nos personnalités, et par ricochet de nos sociétés, et vice versa. Il les mets en scène dans des romans où l’optimisme se mérite. Car il y a des ouvertures, toujours, mais qui ne sont que l’aboutissement de ce que l’on vient de vivre dans ses romans.
Marin Ledun semble aussi s’appliquer à changer de registre au fil de ses romans. Celui-ci est très noir, avec une atmosphère pesante et pressante qui ne se pose que pour l’alternance de passé présent par voie de flashbacks. On retrouve son écriture fluide, sans fioriture, particulièrement cinématographique ici, le cadre est posé et les scènes vous viennent immédiatement en tête. Les personnages sont à la fois tranchés et remplis de contradictions, celui d’Emilie en particulier, femme forte pleine de fragilité naviguant à vue dans un mélange de rejet et d’envie. En douce, c’est à la fois un roman qui glisse tout seul et complexe dans sa digestion des événements. Marin Ledun ne vous donne pas de clés, c’est un roman qui fait son chemin, qui doit macérer un peu.
Je n‘ose en dire plus, pour vous permettre de plonger dans ce roman sans pincettes. Un roman un peu poisseux quand même, haletant comme un thriller qui vous démange, la noirceur sociétale en sus, la vengeance amère, la colère du monde qui toque au carreau. Vous savez ce qu’il vous reste à faire…
En douce / Marin Ledun. Ombres noires, 2016