Fouta street – de Laurence Gavron (Masque)

« Takko rasait les murs aux teintes sourdes des maisons de Brooklyn, le pas pressé, ses petites jambes collées l’une à l’autre tentant d’être les plus rapides, les plus discrètes possible, la peur au ventre, le souffle court. Elle préférait passer par les larges avenues remplies de monde, dans lesquelles les gens couraient en tous sens, afin de se sentir perdue au milieu de la foule. Si quelque chose lui arrivait, si on l’attaquait, elle espérait que quelqu’un le remarquerait et lui viendrait en aide. »

Takko Deh, sénégalaise pur jus, débarque tout juste à Brooklyn suite à un mariage arrangé de longue date. Le grand écart entre sa pampa et ses coutumes peul et le grand bain américain. Mais l’intégration va lui réserver son lot de surprises. La jeune femme est rapidement portée disparue, laissant derrière elle un époux décontenancé, un flic à l’affût, et des rumeurs qui prennent de plus en plus d’ampleur.

Un polar dépaysant dans lequel on apprend beaucoup de la culture sénégalaise, le poids et la persistance des traditions, le fossé au sein même du pays entre le rural et l’urbain, les communautés reconstituées à l’étranger, les questions d’intégrations, le choc des civilisations.

Le récit est rondement mené, avec des chapitres courts qui alternent les points de vue et les continents. Nous sommes à la fois dans l’humain et dans l’atmosphère, avec beaucoup de saveurs et de musicalité. Un style fluide et une intrigue rythmée dans ce polar qui vaut le détour.

« Guelel se doutait bien que le mal de Selly était dû au départ de leur fille unique. À la naissance de Takko, Selly avait été mal soignée et ne pouvait plus avoir d’enfant. Au sein de la culture peule, les enfants sont par définition des dons de Dieu et commencent, très jeunes, à s’occuper du bétail. Son incapacité à enfanter faisait déjà de Selly, n’ayant pas encore atteint les quarante ans, une vieille femme. Elle se sentait gravement handicapée, diminuée aux yeux de sa famille et de sa coépouse. Elle craignait que son mari ne prenne une troisième femme. Ça aurait plutôt été à Khadija, la seconde épouse, de s’en inquiéter, mais Selly avait désormais peur de tout, le moindre événement inattendu la faisait trembler, un bruit dans la brousse, la nuit, la tenait éveillée jusqu’au matin. »

Fouta street
Laurence Gavron
Editions du Masque
2017
304 pages

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