Helena – Jérémy Fel (Rivages)

Il y a trois ans, Jérémy Fel ne faisait pas dans la dentelle, donnant à lire un premier roman aussi noir que brillant,  époustouflant à plein d’égards et bourré de promesses pour la suite. A cette hauteur, le virage du second titre avait de quoi être vertigineux, et autant vous le dire tout de suite, on n’a pas fini de pâlir.

Après le puzzle des Loups à leur porte, Jérémy Fel resserre son intrigue autour d’une poignée de personnages pour faire résonner leurs dissonances. Il dissèque l’obscurité qui frappe d’un coup ou s’insère insidieusement, les met au pied du mur et capture les derniers retranchements. Jusqu’où une mère peut-elle aller pour protéger ses enfants ? Jusqu’où peut-on aller pour sauver sa peau ? Et si nous étions tous capables, non pas seulement d’envisager le pire, mais de franchir la fameuse ligne ?

« A cette idée, elle pleura de plus belle, sans la moindre honte, son visage enfoui dans la bonté de cette femme qui sentait la crème pour les mains, se demandant si elle pourrait arriver ainsi à prendre un peu de sa force à elle, elle qui peut-être ne l’aurait pas consolée de cette façon si elle avait su qui elle était vraiment. »

Je n’en dirais pas plus, sauf qu’il y a de la panne de voiture, de l’auto-stoppeuse, du Kansas profond, des champs de maïs à perte de vue et de la malédiction qui n’en finit pas de peser et de jaillir comme autant de clins d’oeil à la culture populaire américaine que l’auteur visiblement affectionne.

L’intrigue est construite au millimètre avec une écriture nette et précise, très cinématographique, on imagine d’ailleurs très bien l’adaptation (avec Naomi Watts dans le rôle de Norma, je dis ça je dis rien), d’autant que le premier est déjà dans les tuyaux. Encore une fois, les personnages se battent tant qu’ils peuvent, contre les autres, contre eux-mêmes, contre le passé, l’histoire, les vieux démons. On s’attache, on éprouve de l’affection, de la tristesse, de la colère, on blêmit avec eux et on s’accroche à ce pavé addictif, qu’on laisse fondre lentement pour peu qu’on en soit capable, ou que l’on avale d’une traite, plus probablement.

Avec ce deuxième roman, on sait désormais que Jérémy Fel aime décortiquer les troubles enfouis, le malaise qui colle et glace, la cruauté bien planquée qui se niche à bien des entournures, la noirceur qui fait agir, pour fuir, se protéger, se libérer. On sait aussi que le roman noir a une nouvelle voix, et que les thrillers familiaux peuvent encore faire frémir (à ce propos, ça gicle un peu quand même, que vous n’ayez pas l’air surpris).

« Tommy savait que la créature vivait quelque part au-dehors, attendant patiemment le moment où elle pourrait définitivement lui voler son âme. Et qu’elle ne repartirait qu’en l’ayant piétinée, digérée. »

Helena
Jérémy Fel
Rivages
Rentrée littéraire 2018
733 pages

Challenge 1% Rentrée littéraire #02

Du même auteur : 

Les loups à leur porte – Jérémy Fel

4 commentaires sur “Helena – Jérémy Fel (Rivages)”

  1. J’avais déjà noté le premier (pas encore lu…) mais comment ne pas noter celui-là, tu ne dis presque rien, mais juste assez pour donner envie de courir l’acheter, là, maintenant, tout de suite !!

  2. Je n’avais jamais entendu parler de cet auteur, et c’est un tort vu le bien que tu en dis! En tout cas je trouve ce roman plutôt tentant, je vais noter la référence…

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