Le lycée autogéré de Paris a 33 ans. Un bel âge pour un lycée hors des clous, qui a pourtant su garder la fougue des premiers instants.
Le LAP pour les intimes, 3 lettres qui claquent sous la langue, qui détonent, pour un établissement de caractère. Au LAP, il n’y a pas de proviseur, pas de surveillant, pas de hiérarchie. Juste des élèves, et une poignée d’enseignants, tous sur un pied d’égalité. Les tâches sont réparties, budget, entretien, paperasse. Le maître mot c’est la libre fréquentation. Pas de notes, pas de punitions. Il ne s’agit pourtant pas de s’y pointer la bouche en cœur et les mains dans les poches.
L’autogestion est un travail de longue haleine, aussi passionnant et enrichissant qu’épuisant. Choisir l’autogestion c’est choisir de conduire son projet, partager des envies, ne pas se laisser porter et au contraire être acteur, jouer un véritable rôle dans la micro société à laquelle on décide d’adhérer, et plus largement dans la société qui la contient.
Aurélia Aurita cherchait une utopie à glisser sous ses crayons. De vieux traumatismes liés au passage du bac l’ont conduite à s’interroger sur le LAP et la pédagogie alternative qu’il propose. Avec l’accord des profs et des élèves, elle a passé une année en immersion dans le lycée, participant aux cours, assistant aux commissions, prenant des notes, croquant des scènes de la vie ordinaire dans ce lycée pas banal.
Elle restitue ici son expérience, ne cachant pas son tâtonnement débutant, son apprentissage de l’autogestion, ses interrogations. Elle évoque ses rencontres, retire toute distanciation journalistique pour livrer ce qui ressemble davantage à un journal de bord. Au fil des pages, les principes de base du LAP prennent davantage d’épaisseur. On se prend à rêver d’une société basée sur la confiance et le respect. Mais il y a aussi les limites, les failles, les questionnements permanents, les remises en question.
Aurélia Aurita livre un témoignage instructif, touchant et revendicatif. Durant plusieurs mois, elle s’est prise au jeu du LAP, en prenant ses marques dans ce lycée qui relève finalement plus de la communauté que de l’école stricto sensu, devenant une presque LAPienne.
Le LAP accueille des élèves pour qui l’enseignement classique ne peut plus rien, ne correspond pas ou plus, il repêche des élèves qui n’entrent pas dans le moule, pour qui le système ne convient pas.
C’est une utopie réalisée. Qui fonctionne, pour qui accepte les règles du jeu. La généraliser n’aurait pas de sens, mais il serait sans doute de bon augure que les grands pontes de l’éducation nationale se penchent un peu plus sur la question, repensent véritablement les fondamentaux de la pédagogie, de l’éducation, réfléchissent à la responsabilisation des citoyens en devenir, leur donner des clés pour se lancer dans la vie, avec la volonté d’accomplir quelque chose, quel que soit le projet.
LAP ! / Aurélia Aurita. Les Impressions Nouvelles, 2014
Lu dans le cadre de La Voie des Indés, en partenariat avec Libfly et Les Impressions Nouvelles.
Un grand merci pour ce moment.