Wendy Delorme est universitaire, performeuse, activiste féministe queer, écrivaine. Pour ce quatrième roman, elle aborde ce qu’elle connaît bien et défend quotidiennement, les questions d’identité, de genre, de féminin-masculin. Elle parle des minorités en leur donnant corps, pointant qu’elles ne sont en rien des exceptions.
Philippe, Isabelle, Marion, Camille, Ashanta, Maya, Jo. Il y a celui qui se cherche et se fuit, ou se retrouve en toute discrétion, celle en proie à un pervers narcissique redoutable, celles qui ont fondé une famille homoparentale, celles qui tentent de changer les choses, celle qui est travailleuse du sexe, celui qui est flic en devenir. Les 7 figures se croisent, s’affrontent, s’effleurent, et donnent à voir notre société et les personnalités qui la composent, solidement.
« Amin, si ça compte que je sois ton témoin de mariage, je viendrais, parce que tu es mon pote et que tu es amoureux. Mais je ne parle pas de toi là, je parle d’un système qui est flingué à la base. De la glu qui poisse toutes nos relations. Au niveau individuel, tu peux essayer de vivre autrement. Toi et Justine, on ne peut pas dire que vous soyez vraiment dans les clous. Toi, ça te fait mal d’être un mec, on dirait que ce n’est pas taillé pour toi, tu sais que c’est un compliment de ma part. C’est comme Philippe. Le costume d’homme, ça le blesse aux entournures. Mais au niveau social, systémique, le truc t’avale, c’est endémique. L’égalité des sexes, c’est le mantra qu’on a trouvé pour rééquilibrer un peu les rapports de pouvoir. Mais tu ne vas pas récurer des millénaires de dysfonctionnement avec quatre décrets et deux lois, des manuels d’éducation et quelques colloques. Quand un système est pourri, il faut qu’il collapse. Sinon, tu te contentes de vivre un peu à la marge, mais pas tout à fait. »
Quel plaisir de lire enfin (il y en a d’autres mais ils sont rares) un roman ultra contemporain sur l’humain, le couple, les relations femmes-hommes et les stéréotypes inhérents, l’enveloppe corporelle parfois un peu étroite ou trop étriquée pour tailler la vie que l’on veut, les rapports de pouvoir. Comment se construire, se positionner, face aux préjugés et à la violence, fonder une famille homoparentale, défendre ses idées. Wendy Delorme interpelle et illustre ce qui chatouille dans les débats, elle fait jaillir les crocs, avec humanité, fougue, justesse, et dresse des portraits touchants. Couple, filiation, PMA, désir, sexualité, corps, identité, elle positionne sans être excluante. Un roman faussement léger qui traite avec grandeur d’importantes questions de société. Un must dans le genre.
Le corps est une chimère
Wendy Delorme
Au Diable Vauvert
2018
264 pages