Le jeu de cette famille

Au départ, il y avait les parents, le fiston et le chien. Puis les parents se sont disputés, se sont séparés, ont divorcé. Au milieu sont restés le fiston, et le chien. Le temps a passé et les rencontres de chacun ont fait apparaître dans le jeu un beau-père, une belle-mère, des demi-frères et soeurs escortés par leurs animaux de compagnie respectifs. La famille a bougé, il faut s’organiser, même si ce n’est pas toujours évident, profiter des chouettes moments et faire le dos rond par temps d’orage.

La séparation des parents comme point de départ d’un jeu à multiples facettes, où chacun des membres s’ajoutent et se mélangent à la manière de cartes à jouer, il fallait y penser.

Annie Agopian et Claire Franek s’inspirent à la fois du jeu des 7 familles et des arbres généalogiques pour cet album haut en couleur qui dévoile la famille sous toutes ses formes.

Un album résolument moderne, avec du rouge et du jaune dedans pour du ludique pétillant pas larmoyant pour un sou, et qui s’avère au final un bel hommage aux familles… quelles qu’elles soient !

Le jeu de cette famille / Annie Agopian, Claire Franek. Rouergue. 2009
(Challenge Je lis aussi des albums #04)

jeu de cette familleD’autres titres sympas sur les familles recomposées : 

super familleMa super famille / Gwendoline Raisson, Magali Le Huche. Père castor Flammarion. 2009
Recomposée ou décomposée, la famille de Timothée n’est pas simple. Un album humoristique avec des rabats et des volets à déplier sur la famille moderne, recomposée ou métissée.

Les papapas / Joseph Jacquet, Philippe Dupuy, Charles Berbérian. Albin michel jeunesse. 2012papapas
Un album consacré à ceux que les enfants trouvent au bras de leurs mamans au sein des familles recomposées : ils ne sont pas des vrais papas, mais ils ont une place essentielle dans la vie de tous les jours. Et parfois ils croisent les vrais papas…

Des débats z’enflammés
Les récents débats sur le mariage pour tous puis sur la notion de genre ont mis en évidence certains titres jugés indécents ou inappropriés par certaines associations et autres personnes bien-pensantes.
Et pourtant, force est de constater que le nombre d’albums pour la jeunesse évoquant la famille au-delà de son « modèle original » ne sont pas bien nombreux, et c’est plutôt ça qui devrait être flippant.

Quelques chiffres, rapport à l’album présenté aujourd’hui : 1 enfant sur 10 vit au sein d’une famille recomposée. Selon l’insee, 1.2 millions d’enfants de moins de 18 ans vivent dans une famille recomposée en France métropolitaine. Les nouvelles cellules familiales ne sont visiblement pas très populaires dans les albums. Il y a bien des livres qui traitent de la mésentente, de la dispute, de la séparation, du divorce, effectivement. Mais ce qu’on trouve moins, c’est la reconstruction qu’il y a derrière, les familles recomposées, les demi-frères et soeurs, les beaux-pères et les belles-mères… Il existe quelques albums, mais on ne peut franchement pas dire que ce soit quelque chose d’intégré et de naturel… Du coup, ces albums sont relégués au rang « d’albums à lire quand on est face à un problème » et non pas une histoire comme une autre à lire le soir. (Dans mes réflexions, j’éloigne volontairement les contes classiques comme Blanche-Neige qui contiennent certes une belle-mère mais comment dire…)

Et si on pousse le bouchon un peu plus loin, et que l’on évoque la séparation des grands-parents… alors là, ça n’existe pas. Sachons-le, les grands-parents ne divorcent pas. J’ai eu la demande il n’y a pas très longtemps à la médiathèque. Et je n’ai pas trouvé grand-chose. Il y a bien des histoires de disputes là-encore, comme Grand-mère sucre et grand-père chocolat, qui ne se supportent plus jusqu’à vivre chacun dans sa propre maison… avant de se réconcilier et vivre de nouveau heureux.

Paraît-il que les grands-parents sont plus jeunes donc plus modernes. Dans les livres, ils ont (presque) toujours les cheveux blancs et ne vivent que pour leurs petits-enfants. Ils ne se disputent pas, ne divorcent pas, n’ont pas d’amis, ne rencontrent pas d’autres personnes, ne tombent pas amoureux…

La littérature jeunesse serait-elle vieux jeu ?
Il reste du chemin à parcourir pour que ces sujets sortent de l’exceptionnel, puissent faire partie d’un quotidien, que l’on puisse expliquer aux enfants (pas uniquement parce que la question se pose) qu’il y a des familles avec des parents et des enfants, d’autres avec des enfants adoptés, d’autres recomposées, et d’autres avec deux papas ou deux mamans.

C’est comme les albums sur le deuil, faut-il attendre d’avoir un décès dans l’entourage pour parler de la mort avec les enfants ? Je n’en suis pas convaincue. Idem pour pas mal de sujets…
J’exagère (un peu), je sais, mais tout de même, il est grand temps que les mentalités évoluent, y compris dans cette littérature jeunesse si foisonnante.

jelisalbums2014

5 commentaires sur “Le jeu de cette famille”

  1. « Le jeu de cette famille » a vraiment l’air sympa et j’aime beaucpup le côté rétro de sa couverture.
    Ton analyse sur ce thème dans la littérature jeunesse est très intéressante. Et je suis assez d’accord avec toi, sur le fait qu’il n’y ait nullement besoin d’attendre qu’un problème arrive pour en parler.

Répondre à Sophie Hérisson (Délivrer des Livres) Annuler la réponse.

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