Le postier – Charles Bukowski

Charles Bukowski pour ce rendez-vous classiques qui se posait ce mois-ci au milieu des gros.ses dégueulasses. Le thème convoquait les auteur.rice.s controversé.e.s ou censuré.e.s, pour ma part, vous l’aurez compris, je l’ai pris au pied de la lettre avec celui qui se nommait comme tel…

« Ça a commencé par erreur.
C’étaient les fêtes de Noël et j’avais appris par le pochard en haut de la côte, qui faisait le coup à chaque Noël, qu’ils embaucheraient carrément n’importe qui, alors j’y suis allé et sans avoir le temps de réaliser je me sui retrouvé avec une sacoche en cuir sur le dos à cavaler comme bon me semblait. Parlez d’un boulot, que je pensais. Peinard ! »

Le Postier, premier roman de l’écrivain, dans lequel nous rencontrons un certain Henry Chinaski, ou Hank, alter-ego de Bukowski dans toute sa splendeur, qui va se faire embaucher à La Poste, et y rester un moment finalement malgré quelques aller-retours. Les conditions de travail ne font pas rêver entre les tris à en perdre la tête, les tournées interminables sous la flotte, les riverains peu compatissants, les petits chefs troufions revêches… Mais tout cela n’a que peu de prise sur notre type qui vit au gré des bouteilles vidées, du scotch à l’eau qui réchauffe, des parties de jambes en l’air, des derrières à reluquer, des rencontres fortuites, des bons plans qui sentent  parfois un peu le moisi mais qui permettent de passer du bon temps et de voir venir en attendant la suite.

« Quand Johnstone m’a vu à 5 heures le matin suivant il a pivoté dans son fauteuil tournant et sa figure avait la même couleur que sa chemise. Mais il a rien dit. Je m’en foutais. J’étais resté debout jusqu’à 2 heures à boire et à baiser avec Betty. Je me suis adossé et j’ai fermé les yeux. »

Au fil des six parties du bouquin, nous allons finalement passer un paquet d’années à ses côtés, entre boulot et courses de chevaux, bouibouis et grand train, entre misogynie et tendresse, dans un flegme décadent bien dans le jus de l’auteur, et l’on se prend même d’affection pour ce Chinasky, bon, en ne prenant pas trop de risques il faut bien le dire car il n’est pas certain qu’on le supporte plus d’une semaine si on venait à le rencontrer…

 » J’ai été dans la salle de bains me passer un coup d’eau sur la figure et me peigner. Si seulement je pouvais repeigner cette gueule, que je pensais, mais je peux pas. »

Un premier cru qui reste assez soft par-rapport aux autres textes de Bukowski. Je n’en suis pas à mon coup d’essai puisque j’avais déjà lu Le journal d’un vieux dégueulasse, Les contes de la folie ordinaire et Je t’aime, Albert (♥). Le Postier, un roman autobiographique par l’écrivain qui ne l’est alors pas encore et augure pas mal de choses pour la suite à venir du gros dégueulasse qu’il revendiquera plus tard. Ivresse, orgasmes, corps qui trinquent, souffrance, violence, poisse… c’est grossier, graveleux, tout ce que tu veux mais c’est justement ça l’idée, que la littérature décrive aussi celui qu’on pointe comme le plouc, la chambre miteuse, le cul qui gratte… Bref, une écriture va droit au but, ne fait pas dans la dentelle, et qui ne vous laisse pas indemne. C’est ce qui m’avait happée à sa découverte et c’était particulièrement délectable de le retrouver ici tout jeune, et devenir un peu compagnon de galère. Une rencontre que je vous souhaite, si elle n’est pas déjà faite !

« Une autre vieille bique, tout en voulant être gentille, m’a demandé : « Vous ne voulez pas entrer prendre une tasse de thé et vous sécher ? »
« Madame, vous ne vous rendez pas compte qu’on n’a même pas le temps de remonter not’ slip ? »
« Remonter votre slip ? »
« OUI, REMONTER NOT’ SLIP! » je lui ai hurlé comme ça, et je suis retourné à mon mur de flotte. »

Le Postier
Charles Bukowski
traduction Philippe Garnier
10/18
2020
parution initiale 1971

Retrouvez les autres gros.ses dégueulasses par ici.
Prochain rdv fin février autour des classiques coquinous…

Si vous souhaitez en savoir plus, voire même rejoindre (régulièrement ou ponctuellement) l’équipée, c’est par là.

 

 

9 commentaires sur “Le postier – Charles Bukowski”

    1. Mon meilleur pote voulait absolument que je découvre cet auteur qu’il adore. Il m’a passé Les contes de la folie ordinaire mais je n’ai pas spécialement été séduite. Je devrais peut-être lui redonner ma chance avec un roman.

      1. Je crois qu’il y a deux équipes avec Bukowski. Il m’agace beaucoup, mais il me fait aussi marrer. Je crois qu’il faut prendre un peu de hauteur, comme avec un pote un peu relou.

  1. Ha ha ! Le sacré Buko se devait de surgir dans la sélection et je suis ravie de voir que tu portes sa voix, sa plume et son univers de gros dégueulasse, même si ce titre semble plus soft que d’autres comme tu le soulignes !

  2. Excellent ! Je suis un grand amateur de ce « flegmatique décadent » (Très bien trouvé ! ;)). Modèle de désespoir et de mélancolie transformés en or. Ca vaut le coup de considérer son œuvre sous ses aspects particuliers et différents : la poésie, le roman et les nouvelles.

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