Les classiques adaptés en films ou en bulles ce mois-ci pour le retour aux classiques chaleureusement impulsé par Moka et Fanny depuis plus d’un an. Le choix d’un texte à tonalité fantastique pour ma part, avec Ce Tour d’écrou publié en 1898, adapté notamment à l’opéra par Benjamin Britten en 1954, au cinéma en 2001 par Alejandro Amenabar sous le titre Les Autres, ou en BD par Hervé Duphot.
Dans ce court texte qui s’apparente même à une nouvelle, Henry James mène son lecteur aux confins de ses doutes, dans une narration tout en subtilités, et à la délicieuse atmosphère fantomatique.
« L’histoire nous avait tenus, autour du feu, suffisamment en haleine, mais à part la remarque évidente qu’elle était macabre, comme devait essentiellement l’être un étrange récit fait dans une vieille maison la veille de Noël, je ne me souviens d’aucun autre commentaire avant que quelqu’un ne déclarât que c’était le seul cas qu’il connût où un tel fléau se fût abattu sur un enfant. »
Nous y rencontrons une gouvernante fraichement embauchée par un oncle absent qui veille à distance à l’instruction de ses neveu et nièce Miles et Flora, orphelins qui grandissent isolés dans une majestueuse bâtisse entourés du personnel aux petits soins. Dès les premiers jours, les enfants s’avèrent absolument charmants en même temps qu’un certain malaise impalpable s’installe dans le ressenti de la jeune femme. Progressivement, des présences se font sentir et les enfants ne sembleraient finalement plus si innocents.
« Sans doute m’attendais-je à plus, en la circonstance, car je restai clouée sur place de saisissement. Y avait-il un secret à Bly, une sorte de mystère d’Udolpho ou un parent fou, inavouable, séquestré dans une cachette insoupçonnée ? Je ne peux dire combien de temps j’agitai ces pensées, et combien de temps je restai là où le choc m’avait atteinte, vacillante entre la curiosité et l’effroi ; je me souviens seulement que quand je rentrai à la maison, la nuit était complètement tombée. »
L’écriture de James est précautionneuse, n’en dit point trop, ménageant son effet, agissant sur fond d’énigme et d’angoisse tout en s’attachant aux figures humaines, à leurs interactions mais surtout à leurs perceptions.
Il s’applique à semer le trouble, jouant avec les ellipses et les fausses pistes qui laissent planer les doutes, déroutent, invitent au fantasme. Les portes s’ouvrent les unes après les autres et l’imaginaire s’en trouve même interpellé, dans ce huis clos qui offre tant d’échappatoires, rationnelles ou surnaturelles.
« Je ne puis dire maintenant ni ce qui me détermina ni ce qui me guida, mais j’avançais le long du couloir, jusqu’à la haute fenêtre qui dominait la grande courbe de l’escalier. C’est à ce moment que je pris brusquement conscience de trois choses. »
Assurément les fantômes sont bien gardés avec Henry James, et cette histoire est de celles qui se murmurent au coin du feu, où le fond de vérité conserve toujours sa part de mystères.
Un coup de maître, ni plus ni moins, que je rapprocherais bien volontiers de cette très chère Shirley Jackson.
Le Tour d’écrou
Henry James
traduit par Monique Nemer
Stock
1994
paru initialement en 1898
Retrouvez les autres rdv adaptés par ici.
Prochain rdv fin septembre autour des classiques autobiographiques…
Si vous souhaitez en savoir plus, voire même rejoindre (régulièrement ou ponctuellement) l’équipée, c’est par là.
Lu il y a longtemps, la magie n’avait pas opéré chez moi.
Je garde un souvenir assez stressant du film! J’ignorais d’ailleurs que c’était une adaptation d’un classique!
Le parallèle avec Shirley Jackson me titille, je présente demain une bd adaptée d’une de ses nouvelles!
Un roman découvert au collège, et que je me promets de relire depuis longtemps, car si j’en ai gardé peu de souvenirs, je sais qu’il m’a, sur le moment, frappée..
J’ai vu le film des tas de fois sans savoir que c’était l’adaptation de cette nouvelle. Damned ! Je m’en souviens tellement bien que je ne sais pas si cela vaut la peine que je la lise maintenant… Pourtant je suis tentée.
Jamais lu, j’en ai juste vu une adaptation qui ne m’a pas laissé de souvenir impérissable… Parfois, il vaut mieux revenir à la source 🙂