Le tour du monde en 72 jours – Nellie Bly

Récit de voyage d’une journaliste déterminée à la fin du dix-neuvième siècle.

En novembre 1889, la journaliste américaine Nellie Bly entamait son périple en vue de faire le tour du monde en moins de 80 jours. Un défi à plusieurs échelles, lancé d’abord fictivement à Phileas Fogg, professionnel puisque l’époque voit tout juste apparaître le journalisme de reportage, et personnel puisqu’il est encore loin d’être banal de partir explorer en en solo de la sorte quand on est une femme. Elle se prendra bien quelques remarques, qu’elle retoquera efficacement, bien décidée à mener à bien son projet. Une robe taillée pour l’occasion, un sac à main pour seul bagage, et la voilà partie à travers le monde.

« – Vous n’y arriverez jamais ! Vous êtes une femme, vous aurez besoin d’un protecteur, et même si vous voyagiez seule, il vous faudrait emporter tant de bagages que cela vous ralentirait. En plus, vous parlez uniquement l’anglais. Rien ne sert d’en débattre : seul un homme peut relever ce défi. »
– « Fort bien! Alors je partirai en même temps que lui pour le compte d’un autre journal et soyez sûr que je le battrai. »

Nellie Bly s’est très rapidement spécialisée dans le journalisme d’investigation en s’intéressant notamment à la condition de vie ouvrière. En 1880, elle réalise un reportage sur les ouvrières d’une fabrique de conserve en pointant la rudesse de leurs conditions de travail. En 1887, elle prétexte de faux problèmes psychiatriques et se fait internée dans un asile de fous pour femmes pendant dix jours. A sa sortie, elle dévoilera les effarantes conditions de vie dans ces murs.

Une femme de tempérament donc, qui ne se laissera pas démonter par les critiques et réserves masculines quant à ces capacités à voyager seule et à tenir les délais. Entre le 14 novembre 1889 et le 25 janvier 1890, Nellie Bly sillonnera plus de 40000 km en passant par l’Angleterre, la France (et un coucou clin d’oeil à Jules Verne et son épouse à Amiens), Suez, la mer Rouge, le Sri Lanka, la Chine, le Japon… Elle a alors 25 ans…

Nous suivons ainsi ses rencontres, découvertes, émerveillements, stupeurs, une certaine tension aussi lorsque les correspondances ne se goupillent pas comme prévu, sa bonne humeur et son tempérament mordant.

Une rencontre passionnante et un voyage qui nous plonge littéralement dans le contexte de l’époque. Nous sommes d’ailleurs curieusement placé entre la posture très volontaire et égalitaire de Nellie Bly, figure féminine et féministe marquante, et cette époque très colonialiste et fière de l’être avec des occidentaux aux comportements qui frisent le dédain et l’irrévérence, et Nellie Bly ne fait pas toujours entorse à cela. A sa décharge, elle sillonne plus qu’elle ne parcourt, timing oblige… A son retour, acclamée pour son audace et sa ténacité, elle fait figure de modèle pour les fillettes qui peuvent en prendre de la graine.

« Les pousse-pousse à Singapour sont le mode de déplacement le plus populaire. Ils coûtent dix cents de l’heure, mais il est très fréquent de voir quatre personnes entassées dans un tel véhicule tiré par un seul homme. Là-bas, nous visitâmes un musée très intéressant et contemplâmes sur le bord des routes les magnifiques bungalows des colons européens. Partout sur les belles routes, des hommes dans des voitures à chiens et gens à bicyclette. »

Il reste étonnant que Nellie Bly ne soit à ce jour pas plus représentée et connue du grand public. Depuis quelques années, nous croisons son visage aux côtés d’autres pionnières, chez les Culottées de Pénélope Bagieu par exemple et l’on voit fleurir plusieurs biopics ou rééditions de ces écrits, que vous devriez croiser par ici prochainement d’ailleurs…

Le tour du monde en 72 jours
Nellie Bly
traduit par Hélène Cohen
Editions du Sous-sol
2016
Points 2017
204 pages
Publication originale 1890

Retrouvez les autres rdv autour de nos classiques voyageurs par ici.
Prochain rdv fin juin autour de l’oeuvre de Jules Verne…
Si vous souhaitez en savoir plus, voire même rejoindre (régulièrement ou ponctuellement) l’équipée, c’est par là.

5 commentaires sur “Le tour du monde en 72 jours – Nellie Bly”

    1. Oui hein, ça m’a fait rire quand j’ai lu ta chronique 😉 je suis vraiment ravie d’avoir fait sa connaissance et j’ai hâte de prolonger ça !

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